août 2011


AVERTISSEMENT : si vous voulez garder intacte votre découverte de Melancholia, ne lisez surtout pas cet article.

+++

Je sors rarement d’une salle de cinoche énervé à ce point. Certes je n’ai jamais été un grand fan de Lars Von Trier, mais là c’est vraiment too much, quoi. Confiant dans les éloges lus çà et là, et entendus chez Jérôme Garcin, je me suis laissé porter vers le Majestic pour aller voir ce fameux Melancholia. Je ne m’attendais pas forcément à tomber amoureux du film, mais je croyais au moins en la promesse d’un certain esthétisme.

« Allez, on se casse » ai-je dit à Madame Plus pendant le déroulement du générique final. Et comment. On se casse, putain.

La « grandiose » ouverture du film est une succession d’images quasi-statiques en ultra-HD-de-ouf qui nous évoquent des souvenirs symbolistes de Magritte et de Millais, des plans super-léchés à la Mondino ou à la Terry Richardson façon magazine de mode, et surtout des images qui résonnent comme des dingues avec le Tree Of Life de Malick, qui faisait partie de la même projection cannoise de cette année. Ce reflet de Von Trier dans Malick est proprement stupéfiant de proximité tout au long du film, et je reste étonné que personne n’en ai fait mention dans la presse – en tout cas je ne l’ai lu nulle part.

Bon, l’ouverture. Okay, c’est livresque, ça vous étale du Gombrich en quatre-cent-mille dpi avec projo numérique, ça se laisse regarder poliment, mais on se demande si cette affectation, quelque peu démonstrative, ne va pas verser dans le kitsch et le prétentieux. En fait, on fait bien de se le demander assez rapidement, sinon on se surprend à le penser alors qu’il est déjà trop tard pour quitter la salle. En tout cas on pense très fort à Malick, et on se dit que Von Trier se fait bête à vouloir faire l’ange.

L’histoire commence. Chapitre un. La scène du mariage. Devinez quoi qu’il peut-il donc se passer quand un Von Trier filme un mariage ? Bingo. Quand on est un mec ‘achement subversif, qu’on n’en peut plus de détourner les codes et de court-circuiter les normes, et bien on fait dans l’original : on imagine un truc complètement nouveau en filmant une fête ruinée par une ambiance de merde avec règlement de compte familial, et mariée qui se fait sauter derrière un buisson par quelqu’un d’autre que son mari pendant la soirée. C’est inédit, c’est totalement imprévisible, c’est totally jamais-vu, c’est ultra-dérangeant. Je vais pas en dormir de la nuit, les mecs.

C’est tellement imprévisible que je me suis mis, du coup, à me faire des petits paris à moi-même. « Ah, il y a une scène avec des assiettes de soupe ; obligé, on va voir une assiette de soupe valdinguer. » Bingo. J’ai gagné un max de points, comme ça.

En fait, il se produit un « twist narratif » assez rapidement. Le chapitre du mariage accumule tellement d’invraisemblances dès ses premières minutes qu’on se voit obligé de recevoir ce film non comme l’œuvre d’un cinéaste, mais d’un vidéaste – et dans ma bouche c’est loin d’être un compliment. C’est à dire que la « suspension of disbelief » est tellement mise à l’épreuve qu’il faut définitivement renoncer à l’idée d’entrer dans une histoire. On entre, en réalité, dans une « installation », dans un « dispositif scénique », dans un « processus symbolique », dans un théâtre contemporain transposé sur un plateau de tournage. Vous savez, les trucs avec des gens qui ne rigolent jamais-jamais, et qui froncent les sourcils tout le temps car chaque mot est grave :
-Réveille-toi !
-Je suis en train de marcher dans la nuit au milieu de grandes traînées de laine.
-Il y a du pain de viande pour le dîner.
-J’aime l’automne.
-Qui veut un café ?
-Moi aussi j’aime l’automne.
-Avec deux sucres.

Putain, c’est d’un pénible. C’est aussi pénible que c’est convenu, en fait. Bon, mais on n’est pas dans le cinéma. On est dans la vidéo, dans la photographie, dans la déambulation d’acteurs sur un plateau d’interaction rôle-caméra qui renvoie au spectateur le semios postmoderne du paradigme traumatique mort/vie, tu vois. Aucune cohérence dans la temporalité, dans l’espace, et dans les relations humaines entre les personnages. C’est une tragédie qui se veut grandiloquente et conceptuelle, mais en fait c’est juste chiant et très adolescent dans le discours « la société c’est trop nul, les gens en fait dans la vie ils sont hypocrites ».

Bon, on parlait de Malick. Oui, parce que chez Malick comme chez Von Trier, ce qui se passe ici-bas et ce qui se passe dans le cosmos sont liés de très près. Sauf que chez Malick on causait du sens de la Vie. En miroir parfait, chez Von Trier c’est l’insignifiance ultime, et l’incapacité fondamentale d’aimer la lumière. En fait, ce qui m’énerve chez Von Trier, ce n’est pas tellement son côté arty-à-la-con : c’est surtout son refus catégorique de sortir du rien et de voir autre chose que de la nuit noire partout où son regard se pose.

Le chapitre deux nous apprend que voir Kirsten Dunst à poil présente l’intérêt de réveiller le spectateur pendant une minute et demi. Et surtout que le prix d’interprétation aurait franchement pu être attribué à la mère Gainsbourg – que je ne porte pourtant pas particulièrement dans mon cœur, mais qui fait montre d’un joli talent dans le rôle qu’on lui a confié. On y apprend que la vie c’est nul et que la mort, bah,… euh, c’est un peu moins nul et que ça ouvre l’appétit. Cool.

Tout cela est énervant, poseur, cliché, stérile. Ah, encore un détail qui m’a passablement énervé pendant deux heures : je veux bien que les techniques de capture du son soient ultra-performantes, mais là faut arrêter. On entendait tout ! Le moindre de bruit de salive entre les dents quand ça parle ou que ça embrasse, on entendait le moindre bruit de glotte qui glapit, le moindre gargouillis d’estomac ! Pour un peu, on entendait même pousser les cheveux des acteurs et le bruit que fait le voisin quand il cligne des yeux.

+++

Chez Malick la Nature est le véhicule de la Création [relire « Correspondances » de Baudelaire]. Chez Von Trier, c’est un paganisme maléfique qui habite les astres, les bêtes, les forêts, les hommes. Étonnante sortie simultanée de ces deux films qui regardent inévitablement l’un dans l’autre avec une grande insistance, sauf qu’on ressent avec force et certitude combien l’un transpire la gloire et la vérité quand l’autre n’est qu’une errance à travers un désert d’ennui.

En attendant que le MoisiBlog reprenne vie, je vous laisse en compagnie d’un dessin de Robert Cash qui date de 2007, et qui n’a pas pris une ride.

Sur le même sujet, je vous recommande très chaudement l’écoute de ce petit chef d’œuvre >>>.

Et sinon, j’ai lu la lettre de la Mère Aubry. Je sombre dans le désespoir. Mon Dieu. Mon Dieu. Je vais essayer de vous en parler prochainement, mais rien que d’y repenser j’en ai des vertiges d’angoisse.

Chère Zineb Dryef,

Suite à la parution de votre article sur Rue89>>>, je suis parcouru d’interrogations en tous genres. Et je compte sur votre charitable secours pour dissiper ma perplexité. En fait, je me demande sincèrement ce que fout le nom de mon blog au milieu de votre petite étude qui cause du cas Breivik, de l’extrême droite, des sites qui en appellent à la haine ou carrément aux armes, du complot juif, et de ceux, mystérieux, qui « regardent dans la même direction que les autres lorsqu’il s’agit d’identifier les vrais responsables d’Oslo. »

Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait faire entrer le MoisiBlog dans la catégorie « haine & flingues » ; je ne tiens pas un blog d’extrême droite ; je n’ai absolument rien à secouer du complot juif ; je ne fais pas partie des gens qui « regardent dans une direction » quand on cause d’Oslo [à prononcer en plissant les yeux d’un air entendu et initié, façon Plenel] ; et, surtout, je n’ai jamais abordé le « cas Breivik », dont je ne pense pas grand chose en vérité. Pour vous dire les choses franchement, mon rayon c’est plutôt la rigolade. Le pastiche, la dérision, le canular, le second degré. L’humour, quoi.

Alors bon, que vous fassiez un petit encadré pour signaler l’existence de la réacosphère et des p’tits jeunes qui flirtent avec la pensée anar de droite, moi je veux bien ; mais là, rien à voir avec la choucroute, quoi. Citer Fromageplus parmi les allumés de Breivik, c’est complètement hors-sujet.

Merci, donc, de bien vouloir éclairer ma lanterne.

-Fromageplus

PS : merci tout de même pour le petit bouquet de compliments : « très soigné », « subversif », « plus fin qu’ailleurs ». C’est gentil.

Campagne de calomnie contre la blogosphère réac dans Le Monde, convocation d’un bloggeur de 71 ans devant les tribunaux parce qu’il a l’heur de froisser la susceptibilité de Mâdâme Aubry, intimidation judiciaire contre le sarcastique Grincheux Grave ; les lettres de cachet se multiplient et ça embastille sévère chez les républicains. Ces mêmes républicains qui vous rappellent régulièrement combien l’Ancien Régime [moue dégoûtée] détestait les pamphlétaires et les irrévérencieux, et les envoyait moisir au fond des oubliettes. Ah bah elle est belle la France.

Là, vu l’épaisseur des murs, le wifi il passe pas. Ouf. On est tranquilles.

1.
Adieu Lyon, adieu ma Presqu’île bien-aimée ; me voilà lillois. Ou plutôt, me revoilà lillois ! Pour un Collomb acheté, une Aubry gratuite. Youpi !

2.
Inutile de chercher Fromageplus sur Facebook : deux profils existent simultanément, et un inextricable bug fait que je suis techniquement incapable de les administrer. Je vous invite donc à supprimer le lien Faceook qui vous lie à l’un, l’autre, ou les deux profils, et à passer par ma véritable identité si vous voulez absolument faire partie de mes « amis » [on se comprend, hein]. En tout cas, n’attendez plus rien des profils Fromageplus qui existent sur Facebook.

3.
Je n’ai pas eu le temps de relayer l’excellent travail qu’a fourni Polydamas, chose faite aujourd’hui puisque vous n’avez plus qu’à cliquer ici >>>

4.
Je n’ai pas non plus eu le temps de vraiment aborder cette histoire de « Hussards bruns du web » écrite dans Le Monde par de pauvres stagiaires qui s’ennuyaient >>>. Mais, à la vérité, qu’en dire ? Le Monde, comme à son habitude, confond tout, mélange tout, capte quedalle. Pour eux, l’ennemi de la pensée moderne est un gros sac informe dans lequel gigotent plein de trucs bizarres, et sur lequel il est aisé de coller l’étiquette « fascisme » pour en finir une bonne fois pour toute. Tant pis si le pauvre Jean Yanne, qui n’a rien demandé à personne, s’y retrouve coincé bien malgré lui. Catholiques et nazis, réels ou fantasmés, s’y côtoient, alors qu’il est évident qu’ils n’ont rien en commun, à part leur détestation de la beaufocratie. Mais ça suppose de lire, patiemment, de digérer, de relire, de recouper les sources, et de penser en nuances. C’est trop de boulot pour un journaliste français. Tout cela est infiniment navrant. M’étonne pas qu’ils réclament des financements publics pour continuer à imprimer leur truc puisqu’ils perdent des lecteurs. M’étonne pas qu’ils aient la trouille du web, puisqu’on peut y trouver directement ce qu’ils s’estiment seuls en droit de rendre public. On leur coupe l’herbe sous le pied en pouvant accéder aux faits autrement que par leur prisme. Sur le coup, l’article m’a bien fait marrer, mais plus le temps passe, plus je suis inquiet pour la santé mentale et la vivacité intellectuelle de mon pays.

5.
Le Colonel Reyel a perdu une grande bataille linguistique en écrivant cette improbable déclaration d’amour : « Chaque jour qui passe tu habites mes nuits. »
Mais aussitôt après, le Colonel Reyel a reconquis plus loin un immense territoire sur son ennemi en faisant un tube musical condamnant …l’avortement. Et ça passe sur les radios djeunz, hein. Pas sur RCF ni sur Courtoisie. Chapeau. Musicalement, c’est vraiment de la grosse merde pour ados à la con, mais le discours est sincère, complètement à rebours du discours ambiant, et, mine de rien, émouvant par sa sincérité de coeur. Ça s’écoute ici >>>

 6.
Passez de bonnes vacances, je vais tâcher d’en faire autant !

Lu sur Yahoo Actualités :

Le Ministère du Tourisme ne s’attendait pas à déclencher une telle tempête diplomatique. Son dernier rapport provoque en effet la colère du MRAP et de SOS Racisme, qui dénoncent conjointement dans leur dernier communiqué une politique touristique jugée « nauséabonde, réactionnaire, et stigmatisante. » Et envenime quelque peu les amitiés qu’entretient traditionnellement l’hexagone avec ses voisins et ses visiteurs les plus fidèles…

Tout commence lorsque le ministère de Frédéric Lefebvre rend public son rapport annuel au mois de mai, un document de près de cent cinquante pages notamment destiné aux instances touristiques françaises, établissant une synthèse statistique des pratiques qui ont cours sur l’ensemble du territoire, et proposant quelques conseils à titre indicatif pour encourager les syndicats d’initiative à mieux répondre aux attentes des touristes étrangers.

« C’est un adhérent de SOS Racisme qui a porté ce rapport à notre connaissance la semaine dernière. Nous avons été stupéfaits par cette lecture et avons décidé de publier un communiqué pour nous indigner. Concrètement, c’est une véritable apologie de la vieille France moisie qui s’y étale en toutes lettres, c’est une véritable propagande digne du régime de Vichy ! La France de Frédéric Lefebvre, c’est le pâté en croûte et le vin rouge sur fond de château de la Loire, s’exclame Dominique Sopo. Un véritable manifeste identitaire tel qu’en déverse l’extrême droite identitaire par dizaines depuis des années ! Où est la république de la diversité ? Où est la culture du métissage qui forme le véritable visage de notre pays ? »

Du côté du Ministère, l’incompréhension se mêle à un profond malaise. « Nous comprenons la colère des associations, mais nous sommes dans une situation délicate où il reste encore difficile de communiquer à des Américains ou des Japonais l’image d’un pays où le gratin dauphinois se consomme en réalité quatre fois moins que le kébab, où le guide qui vous fait visiter Versailles a plus de chance de s’appeler Rachid ou Mohammed que Pierre ou Paul, et où les interdits alimentaires concernant le vin et la charcuterie font désormais partie intégrante de notre paysage culturel. Les touristes aiment la France pour son côté +saucisson-pinard+, c’est malheureux à dire mais c’est pourtant ce que nous constatons depuis des années. C’est dans ce sens que nous travaillons, dans l’intérêt du développement économique des régions. »

Une politique jugée populiste et rétrograde par le collège dirigeant du MRAP. Qui compte bien infléchir le « cliché franchouillard à la limite du racisme », pour lui préférer le « visage multiple des Français d’ici mais surtout d’ailleurs, qui contribuent à dessiner une France multicolore et moins renfermée sur un moyen-âge fantasmé. La France des touristes ressemble plus à une vitrine d’antiquités qu’à une réalité sociale riche et souriante. »

Une querelle qui rend les Ambassades incrédules et provoque le débat sur les forums internet. Sur son blog Un Américain à Paris, Richard opte pour un sarcasme quelque peu provocateur : « J’ai fait le choix de vivre en France parce que j’aime le champagne et le mode de vie français, si j’avais préféré manger des merguez et faire le ramadan, je serais parti au Maroc, pas à Paris ! » Du côté asiatique, où les Chinois pèsent désormais un poids conséquent dans l’économie touristique française aux côtés des Japonais, l’interrogation est de mise, l’aspect multiculturel de l’hexagone étant presque totalement inconnu, leur imaginaire étant plus volontiers peuplé des figures emblématiques de Marie-Antoinette, Jeanne d’Arc  ou Napoléon.

En conclusion de leur communiqué, SOS Racisme et le MRAP invitent le Ministère à proposer aux visiteurs du monde entier « un nouveau regard sur un pays désormais plus tolérant et plus divers que sa carte postale ne le laisse entendre ».

Contacté ce matin par téléphone, un office de tourisme breton fait part de son agacement et de sa préoccupation : « La saison souffre déjà d’une météo pourrie, nous n’avons vraiment pas besoin de ce genre de contre-pub alors que les vacances commencent à peine pour les aoûtiens. »

Source >>>