mars 2010


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Aujourd’hui, un article signé Madame Plus.

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Le journal gratuit Lyon Plus publiait hier cet article non signé, tranquille et naïf.

http://www.lyonplus.com/fr/permalien/article/2881391/Le-lycee-Al-Kindi-victime-de-son-succes.html

Le lycée Al Kindi victime de son succès

L’établissement musulman a ouvert il y a trois ans. Avec 343 inscrits de la 6ème à la terminale, il a trop d’élèves et pas assez de financements pour fonctionner en l’état.

« Le succès est une charge économique énorme. Aujourd’hui, il faut sauver Al Kindi ! » Nazir Hakim, le président de l’association qui gère l’école musulmane, est inquiet. Le lycée décinois, qui a ouvert cette année une classe de CP de 16 élèves, accueille 343 inscrits et devrait compter ses premiers bacheliers à la fin de l’année. L’engouement est tel qu’à chaque rentrée, l’établissement reçoit un millier de dossiers d’inscription de l’agglomération lyonnaise mais aussi de Saint-Etienne, Villefranche et même Strasbourg. Un vrai succès qui n’est pas sans conséquences sur les finances d’Al Kindi. « Chaque élève coûte 3 900 euros. Il faut toujours se préoccuper de l’argent, solliciter des dons. Cela a moins été fait cette année. Pendant le Ramadan, nous avons récolté 22 000 euros, contre 156 000 l’an dernier », regrette Nazir Hakim. Résultat : le lycée affiche un déficit de 1,085 million d’euros sur un budget annuel de 1,540 million, et l’école est dos au mur. D’ailleurs, elle sera peut-être obligée de réduire ses effectifs à l’avenir. Un appel à l’aide a été lancé au sein de la communauté musulmane, mais la seule solution viable serait d’être sous contrat avec l’État. Celui-ci prendrait ainsi en charge les salaires des enseignants qui représentent 90 % du budget de l’établissement. Al Kindi a fait une demande de dérogation pour être sous contrat avant les cinq ans de fonctionnement demandés par l’Etat. « Dans la région parisienne, le lycée Jean-Paul II est passé sous contrat deux mois après son ouverture. Pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures ? Pour David et Pascal, tout se passe facilement, mais pas pour Khaled », conclut Nazir Hakim.

Première chose, la photo illustrative de l’article nous rappelle que le port du voile est autorisé dans cet établissement. C’est d’ailleurs bien normal puisque c’est un lycée musulman, créé par des musulmans pour des musulmans. Complètement privé et indépendant de tout contrat avec l’État, il est affranchi des règles imposées dans les établissements publics. Le hors-contrat est justement le prix de cette liberté vestimentaire (et pédagogique !). Il paraît  donc extrêmement étonnant que la direction cherche à passer un contrat avec l’État ! En cas de contrat, l’avantage financier est certes énorme puisque c’est l’État qui rémunère les professeurs, en contrepartie de quoi toute liberté pédagogique est perdue, soumise exactement aux mêmes programmes que dans le public, aux mêmes inspecteurs, aux mêmes examens, etc.

Le lycée Al Kindi est victime de son succès en nombre d’élèves, mais les familles qui souhaitent y inscrire leurs enfants ainsi que les musulmans qui soutiennent l’existence d’un tel établissement semblent ne pas fournir un assez grand effort financier. C’est plus facile de rechercher l’argent de l’Éducation nationale – ce qui en soi se comprend, mais apparaît complètement incohérent avec le projet d’un lycée communautaire, tranquille et libre par rapport au flicage étatique sur l’éducation. Il faut savoir ce que l’on veut !

Je ne connais pas le cas du lycée Jean-Paul II évoqué dans l’article, mais il est à remarquer combien les musulmans aiment la posture victimaire (« Les Juifs et les chrétiens bénéficient de favoritisme, nous sommes laissés pour compte ») : en même temps on les comprend, c’est grâce à ce discours permanent qu’on finit par tout leur passer. Les victimes de discrimination demandent donc une dérogation pour vivre plus vite de l’État, alors même qu’ils ont créé cet établissement pour s’en dégager.

 

Mais le plus savoureux reste dans le petit encadré, publié uniquement dans la version papier de Lyon Plus.

« Samedi dernier, c’était journée portes ouvertes au lycée Al Kindi. Beaucoup de monde et des élèves heureux de montrer leur travail. Dans une salle de présentation des cours de civilisation islamique, des affiches qui expliquent les ablutions. Et un panneau sur le mariage, réalisé par deux élèves de Seconde, où on lit : « Les femmes doivent obéir à leur mari, sauf si c’est contraire aux préceptes de l’islam. Elles ne doivent pas sortir sans leur permission. » L’enseignante est embarrassée : elle n’avait pas vu. « Les professeurs n’ont pas été assez vigilants. Mais cela ne reflète absolument pas ce que nous voulons transmettre du Coran. Le panneau a été fait par deux élèves qui ont exprimé ce qu’elles vivaient dans leur famille », se justifie Nazir Hakim. « Al Kindi, avec ses valeurs et références musulmanes, est partie intégrante de l’école de la République », poursuit-il. »

Le professeur n’avait pas vu ! Ben voyons ! Quand on sait ce que représente le devoir de dissimulation en islam (taqiya et kitman), on se dit que ce journaliste est bien candide…

Enfin, j’ai du mal à croire qu’Al Kindi fasse « partie intégrante de l’école de la République », pour la bonne raison que j’ai connu plusieurs élèves qui sont maintenant scolarisés là-bas. La première jeune fille, en 3ème, mettait son voile dès qu’elle franchissait le portail du collège public, elle voulait améliorer son français mais éprouvait beaucoup de difficultés étant donné qu’à la maison elle ne recevait pas la télévision en français (à Lyon ?!?) et était frappée si elle parlait notre langue dans sa famille. Devant le dévoiement représenté par l’école publique, hop, direction Al Kindi. Le deuxième garçon, en CM2, écrivait dans ses rédactions qu’il ne fallait pas parler aux mécréants ni se torcher de la main droite et refusa un jour en cours de musique de chanter une chanson de Michel Fugain à cause de cette phrase : « Mais surtout ne vous inquiétez pas, n’allez pas faire des signes de croix ». (Ne me demandez pas pourquoi on faisait chanter cela à des CM2…) Cet élève refusait l’idée même de croix. L’institutrice ayant convoqué les parents, le père donna raison à son fils et l’inscrivit en 6ème à Al Kindi. Démarche parfaitement cohérente en l’occurrence ! C’est de vouloir signer un contrat avec l’État et de se revendiquer de la République qui ne l’est plus du tout.

Le Vigilomètre© peut vous aider à faire votre auto-critique. Grâce aux catégories de citoyenneté [à gauche] ou de contre-citoyenneté [à droite] figurant sur le tableau, estimez en un clin d’œil si vous êtes un bon républicain ou si vous devez garder un œil vigilant sur votre façon de penser. À quelle partie du graphique vos opinions correspondent-elles ? Quelles affinités entretenez-vous avec les personnalités mentionnées à titre d’exemple ? Vos propos sont-ils toujours à l’abri du dérapage ?

[HLPSDNH : Heures-Les-Plus-Sombres-De-Notre-Histoire]

« Où commence l´esclavage, où finit-il, où commence l´universel, où finit-il ? Et les droits de l´homme, où commencent-ils ? Car je connais les droits du temple qui est sens des pierres et les droits de l´empire qui est sens des hommes et les droits du poème qui est sens des mots. Mais je ne reconnais point les droits des pierres contre le temple, ni les droits des mots contre le poème, ni les droits de l´homme contre l´empire.
Il n´est point d´égoïsme vrai, mais mutilation. Et celui-là qui s´en va tout seul disant « moi, moi, moi,… », il est comme absent du royaume. Ainsi la pierre hors du temple, ou le mot sec hors du poème, ou tel fragment de chair qui ne fait pas partie d´un corps. »

[…]

« Unifier, c´est nouer mieux les diversités particulières, non les effacer pour un ordre vain.

[…]

« La grande erreur est de ne point connaître que la loi est signification des choses, non rite plus ou moins stérile à l´occasion de ces choses. De légiférer sur l´amour je fais naître telle forme d´amour. Mon amour est dessiné par les contraintes mêmes que je lui impose. La loi peut donc être coutume autant que gendarme. »

Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle, [1948 – publication posthume].

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« La termitière future m’épouvante. Et je hais leur vertu de robots. »

Antoine de Saint-Exupéry, lettre adressée à Pierre Dalloz, écrite la veille de sa mort [1944].

 

Y a-t-il au monde lecture plus désopilante que celle-ci, alors que l’on sort tout juste du Théâtre de l’Atelier où Fabrice Lucchini lisait Philippe Muray ?

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Sur le répondeur de cette vieille canaille de Daniel Mermet, on entendait récemment les auditeurs s’interroger sur le droit de vote. Faut-il le rendre obligatoire ? Ne serait-ce pas l’assurance de l’expression de chacun, donc une meilleure mise en œuvre de la démocratie ? Ne serait-ce pas encore le moyen de dissiper ce à quoi profite le silence des abstentionnistes ?

Je me souviens de mes années belges durant lesquelles, hilares, nous nous moquions du système électoral local qui rendait le vote obligatoire, et donc l’abstention passible de sanctions. Triomphe du droit transformé en devoir, de la possibilité de s’exprimer en injonction à l’expression. Autrement dit, la liberté retournée contre elle-même, le bruit contre la voix.

Au-delà de cette cocasse ironie, l’obligation du droit de vote convoque en réalité une question très grave, celle du totalitarisme. Si les auditeurs de Daniel Mermet étaient au pouvoir – en tout cas les partisans du vote obligatoire –, nous vivrions un véritable enfer dans lequel il serait devenu impossible de se soustraire des affaires publiques, impossible de vivre détaché de l’État, impossible de s’autoriser l’indifférence ou le silence envers la gestion du bien commun. Tout serait en permanence sujet de consultation et de convocation. Participer à la vie politique, fort bien. Mais laissez-nous encore le droit d’y échapper, de ne pas y penser, ou au moins d’en penser autre chose. Nous ne sommes pas tous faits pour la lutte sociale ou le débat participatif.

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« Non à la dictature de la modernité ! »
C’est écrit en gros dans la boulangerie du Cours Charlemagne, sous la forme d’un manifeste au format A2 scotché sur le mur. Tiens donc, on ne lit pas souvent ce genre de phrases, ça mérite le coup d’œil. J’apprends ainsi qu’un syndicat de boulangers milite pour la liberté d’ouvrir leurs boutiques sept jours sur sept, et que la chambre patronale de la boulangerie du Rhône s’y oppose. Motif : ceux qui sont prêts à tenir commerce sept jours sur sept ne sont en fait que des franchises et des décongélateurs de pâtons. Les vrais artisans, qui fournissent un vrai boulot de boulangerie, tiennent à leur jour de repos bien mérité. Un slogan très bien choisi, donc.

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La notion d’héritage est centrale en France. Hériter, c’est très mal, car ça ne profite qu’aux …héritiers. Et pas aux autres. Ce qui est très inégalitaire, donc perçu comme une injustice [Chers lecteurs, je vous rappelle qu’ inégalité n’est pas synonyme d’ injustice]. Avec une fiscalité qui frise le racket compulsif, la république fait tout pour arracher les individus à la lignée, à l’héritage, à la transmission, à la conservation familiale du patrimoine. Soi-disant pour que les moins égaux puissent profiter des biens des plus égaux.

Qu’il s’agissent de trésors immobiliers ou de trésors culturels, la confiscation fait rage. C’est ainsi que des domaines familiaux devenus des charges fiscales insurmontables se retrouvent divisés par des successeurs, revendus en mille morceaux, mangés par des lotissements avides, démantelés par des antiquaires et des promoteurs, reconvertis en centres de conférences où l’on fait défiler des présentations PowerPoint sous des moulures Louis XV en trouvant ça normal. C’est ainsi que l’éducation, n’étant plus familiale mais nationale, prive nos enfants de tout ce que les familles transmettaient de mère en fille et de père en fils [Qui connaît l’histoire du Chat Botté dans la classe ? Levez le doigt. Un ? Deux ? Qui connaît l’histoire de son saint patron ? Natéo ? Kilévan ?]. C’est ainsi qu’on fait tout pour décourager les voies professionnelles et faire accéder tout le monde au Bac [Jospin], pensez donc, ils pourraient devenir boulangers ou garagistes, comme leurs parents. L’horreur absolue.

C’est amusant, le réel finit toujours par émerger du marécage idéologique. Ça vous donne des chocolatiers, des boulangers, des charpentiers ou des parfumeurs qui, très fiers de la réputation de leur savoir-faire, mentionnent « De père en fils » ou encore « Maison fondée en 1821 ». Ils sont fournisseurs officiels du ministère.

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La grandeur d’une civilisation ne se juge pas à ses résultats en matière de lutte contre les inégalités [il faudrait considérer la Corée du Nord comme un admirable accomplissement du génie humain], mais à sa capacité à faire rayonner l’excellence de quelques uns sur tous les autres. C’est l’universalisme à la française. À cet égard, on comprend que la langue française, avec ses préciosités et ses exceptions, provoque des vomissements chez les progressistes et les égalitaristes, parce qu’ils y voient la trace de privilèges, de particularismes, et d’héritages à abolir. Or le génie universel français ne consiste pas à faire écrire nos ministres comme Grand Corps Malade [il fo réformé l’ortograf], mais à faire entrer La Fontaine, Perrault, Molière, la poule-au-pot et la baguette de campagne que-les-Américains-nous-envient, dans toutes les chaumières.

Ci-dessus :
Marianne [à gauche], et la sainte Vierge [à droite].

Ci-dessous :
La Déclaration des Droits de l’Homme [à gauche], et les Tables de la Loi [à droite].

Des questions ?

Avis aux lecteurs,

Je suis à la recherche d’un dessin, probablement de Tardi, assez récent, qui représente Marianne tenant ses bras écartés pour ouvrir son manteau, et sous lequel viennent trouver refuge tous les opprimés de la terre.

La dernière fois que je l’ai vu, ce devait être dans un article du Monde, sur un blog de citoyen-ne-s engagé-e-s, ou sur une page du genre RESF ; pour vous donner une idée.

Forte récompense !