Afin de nous prémunir contre les dangers de l’obésité, l’Union Européenne était à deux doigts d’interdire le Nutella. Le délire hygiéniste-totalitaire continue, toujours au nom du Bien. Préparez-vous au pire, vous n’avez encore rien vu : « Le Parlement Européen planche actuellement sur l’instauration d’un Certificat de Parentalité, applicable à partir des années 2020-2025. Dans un premier temps, il s’agit de sensibiliser les citoyens européens aux bonnes pratiques à mettre en place en matière de parentalité (bon usage de la contraception, bonne mise en pratique du choix des enfants à naître – nombre et état de santé –, suivi de l’éducation à la citoyenneté, alimentation, lutte contre les discriminations, scolarisation et valeurs transmises, promotion du métissage, etc.).
Puis, d’ici dix à quinze ans, l’Union Européenne délivrera aux jeunes adultes leur Certificat de Parentalité, sous réserve qu’ils remplissent toutes les conditions pour devenir un jour parents. À terme, le but est de s’assurer que la société n’ait pas à subir les trop nombreux enfants non-désirés, mais également que tout enfant né sur le territoire européen dispose d’un suivi rigoureux quant à son accession au plein statut de citoyen. Ainsi, les projets parentaux élaborés dans un contexte familial politiquement extrémiste ou idéologiquement intégriste pourraient se voir pénalisés ou interdits par les termes du Certificat, ainsi que ceux se plaçant dans un contexte de santé physique ou mentale insuffisante, qu’il s’agisse des parents ou des enfants à naître. Le Parlement a commencé à élaborer le barème d’évaluation auquel les futurs candidats à la parentalité seront soumis. […] Les moyens contraceptifs risquent donc de devenir quasiment obligatoires, comprennant le recours à l’ICG (Interruption Citoyenne de Grossesse) en cas de grossesse illégale détectée. Déjà le mois dernier, la Cour de Cassation italienne avait interdit d’adoption tous les couples qui refusaient d’adopter des enfants de couleur ; dorénavant, la chasse aux projets parentaux douteux s’étendra à l’ensemble de tous les citoyens et de tous les enfants à naître. »
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Après la machine à fabriquer du caca [Wim Delvoye], après l’imprégnation polymérique de cadavres [Gunther von Hagens], découvrez un nouveau chapitre d’Histoire de l’Art contemporain avec « Consume or converse ? » de Wieki Somers.
Ces trois petites sculptures [des oiseaux sur un grille-pain, des rayons de miel sur un pèse-personne, des scarabées sur un aspirateur], ont été réalisées selon la technique de l’impression en 3D. Jusque là, rien de bien nouveau. Sauf que le matériau qui les compose est, aux dires de l’artiste hollandaise, de la cendre humaine. Il est possible qu’il s’agisse d’un coup de bluff ; il est fort probable que l’artiste ne plaisante pas du tout. J’ignore si l’œuvre cherche à dénoncer la chosification de l’homme ou au contraire à célébrer le jusqu’auboutisme de l’idéologie du recyclage, mais le texte explicatif de Wieki Somers [sur le site de l’artiste] est d’un cynisme qui fait froid dans le dos : « Continuing our ongoing strive for progress, one day we might find ourselves turned into the very products we assemble. In fact we are material substance (waste) just like the products we make. As human ashes (worldwide 465.000 litre a day) might be reused by means of 3D printing, we may offer granpa a second life as an useful rocking chair or even as a vacuum cleaner or a toaster. Would we than become more attached to these products ? »
Si vous n’avez toujours pas vu le film « Soleil vert », c’est le moment de mettre à jour votre apprentissage du présent.
Il faudrait un jour que je fasse le compte de toutes les personnes de mon entourage proche qui ont envisagé ou envisagent l’exil. Ce chiffre me terrifierait, je pense. Un nombre incalculable de jeunes gens de ce pays ont terriblement mal à la France, au point de se demander si ça vaut le coup de rester ici. C’est dingue. Et j’en fais partie ! J’ai songé à l’exil, j’y songe encore parfois. Tout une frange de la jeunesse de France, celle qui est plus ou moins diplômée et consciente de la marche du monde, en a marre, profondément marre de vivre au cœur d’un naufrage hystérique. Personne ne parle de ces gens-là dans la presse. Rien à la télévision. Rien à la radio. Je crois pourtant qu’il s’agit d’un phénomène assez vaste, et qui révèle un véritable scandale civilisationnel.
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Rester ? S’il faut rester, alors il faut rester pour de bon, parce que la France est quand même une bénédiction du Ciel, comme disait Lounès Darbois-Beaumont, et qu’il serait criminel d’en priver ses enfants. Rester, parce que, plus que n’importe quel autre pays, la France a besoin de ses amoureux pour être grande et belle. La France se fout bien des gestionnaires et des comptables, des collecteurs d’impôts et des élus locaux, des petits flics du bonheur citoyen et des grands prêtres de la tolérance multiculturelle ; toute cette piétaille ne la grandit pas, au contraire. Le peuple de France, fondamentalement, est un peuple d’amoureux.
Amoureux de la bonne bouffe, amoureux du pinard, amoureux de la rigolade, et surtout amoureux des belles choses. Le peuple de France aime les bons mots et les belles chansons. Saviez-vous que la « chanson » est un genre si français qu’il est admiré et connu sous ce nom partout à travers le monde, de l’Amérique [french chanson] à l’Espagne [chanson francesa] ? Connaissez-vous la quantité de mots français qui existent dans l’anglais ? Ils sont légion ! Nous nous plaignons des nos management et autres marketing, mais nous les utilisons parce que ces concepts sont si étrangers à l’esprit français que nous n’en trouvons pas d’équivalent. Sachez qu’en anglais, le vocabulaire français abonde, et qu’il est systématiquement lié à l’art de vivre : tout ce qui touche à la cuisine, à la mode, à l’élégance, au raffinement, au bon goût et aux bons usages est d’origine française ! Le monde entier compte sur nous pour ne pas trahir ce qui fait que nous avons la classe ! Nous avons le DEVOIR de ne pas faire périr le bon pain, le bon vin, les jolis chapeaux, les jolies chaussures, les réceptions bon chic bon genre !
La France n’est belle que quand elle est aimée, courtisée, chantée, draguée, et même baratinée ! Et sa chance, c’est que tout le monde peut en être le courtisan ! Gloire aux fromagers ! Gloire aux charcutiers ! Gloire aux vignerons ! Gloire aux paysans ! Gloire, gloire éternelle au génie capable de tirer pareils trésors de tout ce qui se mange et qui se boit ! Gloire éternelle aux galants chevaliers de la gastronomie ! Gloire, encore, toujours, aux orfèvres de l’alexandrin, aux bijoutiers de la rime, aux joaillers du sonnet, gloire à l’immense chœur des prétendants qui ont tiré du français l’essence de son rythme, de sa diction, de son esprit riche et délicat ! Gloire aux charpentiers et aux maçons des villes et des campagnes, aux humbles longères et aux châteaux de grand style, aux petits seigneurs et aux grands rois, aux curés de campagne et aux éminences grises, aux petits cultivateurs qui ont façonné les bocages et aux grands jardiniers qui ont dessiné Villandry, gloire aux artisans illettrés, gloire aux mécènes d’élite, tous architectes de nos terroirs, et même du coquet parisianisme ! Pourquoi « Cyrano de Bergerac » est-il un monument de la culture français ? Parce que tout l’esprit français y est condensé ! Le pâtissier Ragueneau cristallise notre idéal de l’artisan-poète ! Pourquoi aimons-nous San Antonio ? Parce qu’il maîtrise cet art si français et si difficile de rendre accessible une langue mine de rien très érudite tout en élevant l’argot au rang de littérature ! Êtes-vous conscients de l’impact gigantesque que représente au niveau mondial la lecture du « Petit Prince » ? La France rayonne, et nous n’en avons même pas conscience depuis notre métropole !
La France n’est pas le pays du romantisme pour rien ; et d’ailleurs, avant d’être le pays du romantisme, il est depuis longtemps le pays de la galanterie et de la courtoisie. Ici, depuis toujours, on aime les femmes. Avec égard, avec facétie, avec fougue, avec discrétion, avec classe, avec muflerie, avec tendresse, avec fièvre, avec gaudriole, avec noblesse, avec tout ce qui nous passe par le cœur, mais on aime les femmes. Nous aimons le tripotage gaulois, la digue du cul en revenant de Nantes, mais nous aimons tout autant les billets doux et les compliments délicats échangés dans le secret des alcôves. Nous aimons les parfumer, les maquiller, les chausser, les faire danser, les peindre, les dépeindre, les habiller, les chanter, les déshabiller, les écrire et les décrire sous toutes les coutures ; nous leur avons décerné la moitié de notre empire – au moins ! Aux femmes de France nous avons confié l’immense charge de conserver et transmettre ce que nous avons de meilleur et que le monde entier nous envie : la quiche lorraine, la vinaigrette, la mousse au chocolat, les chicons au jambon, la soupe de courge, les galettes andouille-fromage, la sauce au vin, le soufflé au fromage, les tomates farcies, le gratin dauphinois, nos repas du dimanche – les meilleurs ! –, mais aussi les chansons, les contes et comptines, les ritournelles du fond des âges, nos grands méchants loups et nos il-était-une-fois, nos dentelles, nos cotillons, nos culottes, nos rubans, nos tricots et nos broderies, toute notre coquetterie et notre grâce dans les rues et les salons. La France est coquette ? Vive la coquetterie ! Quand on est français, on n’enfouit pas ses diamants au fond d’un coffre-fort, on ne les sertit pas sur un téléphone en or ou un levier de vitesses de voiture de luxe : on les fait danser dans le corsage de nos bien-aimées.
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Voilà. Ça c’est la France que nous voudrions, de tout notre cœur, de toutes nos forces, aimer. Hélas la déconvenue est à la hauteur de notre légendaire arrogance gauloise. La déconfiture de la France est patente, inexorable, irréductible. La France est devenue un enfer pour ceux-là même qui pensaient bâtir un paradis libre, égalitaire et fraternel. Politiquement, la France n’est déjà plus qu’un souvenir dont nous parlent nos grands-parents. Avant, je ne sais pas si c’était mieux, mais il est certain, absolument certain, que la vie était plus douce et plus simple. Nous avons quitté la France pour épouser complètement la République : ce qui nous gouverne, c’est la Procédure. L’immense Procédure aux tentacules fiscaux, administratifs, professionnels, sociaux, familiaux. Nous ne vivons plus dans un pays : nous vivons au cœur d’un système dont les opérateurs eux-mêmes, interchangeables et ahuris, ne sont plus maîtres.
La France des années 2000, c’est la maison des fous qu’on voit dans les Douze travaux d’Astérix, c’est l’enfer sinistre et administratif que décrit Houellebecq. Je vis dans un pays de gens brimés. Les Français sont depuis quelques décennies un peuple d’opprimés, qui se sent à juste titre victime permanente de la jalousie, de la suspicion, de l’injustice, de la frustration, de la persécution bureaucratique. Des milliers et des milliers de gens voudraient avoir un boulot normal, une maison normale, exercer le métier qu’ils aiment, se payer des trucs avec l’argent qu’ils gagnent. Mais, prisonniers de l’égalitarisme, les Français n’ont pas le droit de gagner trop d’argent, pas le droit de rouler à la vitesse qu’ils veulent, de picoler ou de fumer, pas le droit de prétendre à des postes trop élevés s’ils ont moins de 45 ans, pas le droit d’être trop bien élevés, pas le droit de discuter avec les gens qui les rackettent en permanence pour s’expliquer un peu. Ils faut faire la queue, appeler des répondeurs automatiques, envoyer des Recommandés avec Accusé de Réception, recommencer cinq fois pour un résultat incertain. Les locataires sont tellement surprotégés par le régime socialiste que les propriétaires, n’ayant plus le droit de foutre à la porte les mauvais payeurs avec des coups de pied au cul bien légitimes, en arrivent à vous imposer un parcours du combattant façon URSS pour prétendre à l’obtention d’un logement.
Les Français voient passer sous leurs yeux, impuissants et dégoûtés, des millions et des millions d’euros pour financer le délire républicain. Même sur les plages, au mois d’août, ils côtoient les mêmes petits cons qui taggent leurs portes à longueur d’année, qui crachent par terre dans la rue en hurlant dans tout le quartier, et qui font chier tout le monde dans les transports en commun, et à qui l’on paye des vacances parce que ce sont « de pauvres petits choux qu’ont pas de chance dans la vie ». Les Français n’ont pas le droit de poser un vélux dans leur toit parce qu’il y a un monument historique à trois kilomètres de là, mais les supermarchés, les ronds-points et autres parkings géants pour complexes cinématographiques se construisent sans vergogne au bout de la rue. Dans les aéroports des DOM-TOM, la date de distribution du RMI ou des allocs fait l’objet d’une annonce officielle sur les écrans.
Aujourd’hui l’idéal de la femme française, cest la connasse. Pleurnicheuses, capricieuses, détestant les hommes, castratrices, voilà ce que sont devenues nos femmes. Celles qui se sont racaillisées et que l’on croise aux abords des MacDo ont sombré dans une existence forgée par les « fils de pute » et autres « vas-y tu me casses les couilles » crachés dans tes téléphones portables. Existe-t-il encore des femmes gentilles, bien disposées, généreuses et patientes envers leurs maris ou « compagnons » ? Franchement, la question mérite d’être posée. Comment voulez-vous encore courtiser, tomber amoureux, jouer les chevaliers servants dans ces conditions ? Le badinage prend tout de suite des proportions hallucinantes : soit c’est le délire de harcèlement sexuel, soit c’est le plan cul. N’importe quoi. Les femmes de l’an 2000 préfèrent leurs sex toys à leurs amants, c’est à pleurer de honte et de déshonneur. Il fut un temps où en la femme reposait un certain idéal de civilité. De quoi ? De civilité ?
La rigolade entre hommes tourne au procès antiraciste, le saucisson devient une provocation fasciste, le football voit l’honneur de la France tomber aux mains de la caillera [et pour quel résultat !] ; quelle magnifique prémonition de la guerre civile. Les lignes se dessinent de plus en plus clairement entre ceux qui aiment la France, qui veulent la France, qui désirent la France ; et ceux qui sont ici parce que c’est ici qu’ils payent des impôts et ici que leur existence administrative est attestée. « On est aussi francé que vou : on travail issi et on paye dé impos comme tou le monde ! » Voilà, c’est ça la France moderne : c’est être ici, de préférence en y étant né par hasard. La burqa n’est pas un problème, le problème c’est les inégalités, disent les uns. Interdire la burqa stigmatise les musulmans, corroborent les autres. Et moi ? J’ai le droit de dire que la burqa dans ma rue stigmatise mon identité, mon mode de vie, ma définition de la liberté, mon amour du Beau ? J’ai le droit d’invoquer le devoir universel et sacré de l’élégance qui incombe à la France depuis mille ans ? On raconte que le corset opprimait les femmes : on oublie de dire que c’était un instrument qui glorifiait la silhouette féminine : fesses rondes, taille fine, poitrine gonflée, démarche tenue, port digne. En France, les dames et les messieurs dansent en couple. À table, on place femmes et hommes en quinconce et à honneur égal. Quand on fait la noce, on ne met pas les femmes dans une pièce et les hommes dans l’autre. On ne demande pas aux femmes d’emballer leur pudeur dans un drap façon Christo et Jeanne-Claude.
Le déstastre est consternant, désespéré, irrémédiable. Nombreux sont ceux qui rêvent de leur Amérique, pour fuir cet air irrespirable, mélange de secte socialiste, de nurserie paranoïaque, et de camp d’expérimentation génétique où l’on tenterait de croiser des bisounours avec des pitbulls. Pour certains, l’Amérique commence par la Suisse ou le Luxembourg. Histoire d’être payé dignement par des gens normaux. Pour d’autres, elle commence par la consommation massive d’antidépresseurs, dont nous sommes les champions du monde, sans que cela soit pour autant déclaré Cause Nationale par le ministère de la Santé.
Alors, faut-il fuir ? Définitivement ? Y a-t-il encore autre chose à sauver que des vieilleries ? Cela vaut-il la peine de se battre pour défendre une ruine ? Qu’est-ce qui nous retient encore vraiment dans ce marécage visqueux où l’État se fait des couilles en or à coups d’horodateurs, de radars automatiques et de Super Loto ? C’est ça la France ? Une mafia fiscotrafiquante ? Que reste-t-il encore de vivant ici ? Que reste-t-il de la fille aînée de l’Église ? Même les discours de Jaurès sentent l’amour de la France. Soumettez à un socialiste d’aujourd’hui un texte de Jaurès en lui faisant croire qu’il est signé Gollnish, il vous croira sans peine… Même dans des détails idiots, on voit un monde en déroute : les parents n’ont plus le droit d’apporter des gâteaux pour une fête scolaire ! Bah oui, vous comprenez : allergie, halal, végétarien, on-sait-pas-ce-qu-y-a-dedans, on ne peut pas prendre le risque, tout ça. Au pays du fromage au lait cru !
Ce pays craque de partout, fuit de partout, moisit sur place. Je n’ai pas envie de vivre dans le formol et la naphtaline. Je n’ai pas envie de passer ma vie à lutter contre un État con et borné pour lui réclamer des miettes. Je n’ai pas envie de travailler toute ma vie pour entretenir à grands frais les chimères pourrissantes du progressisme heureux qu’il aurait fallu jeter au feu depuis longtemps. Et surtout, je n’ai pas envie de subir la néo-France inculte et violente qu’on m’impose depuis trente ans. Elle n’est même pas foutue d’entrer dans les musées quand ils sont gratuits. Elle n’est même pas foutue de garder le silence pendant la durée d’une séance de cinéma. Elle ne s’intéresse pas à mon Histoire, à ma Géographie, à mon art de vivre. Comment voulez-vous cohabiter ?
Le choix est très simple : c’est l’exil ou la résistance. D’aucuns prirent un jour l’option de « l’exil intérieur », d’autre croient en une forme de résistance délocalisée façon Dantec à Montréal, mais je crois que de telles positions sont bien trop hybrides pour être réellement défendables. De toute façon, le moment viendra où il faudra, avec résolution, prendre un parti. Rester, ou faire souche sous d’autres cieux.
Au début, je croyais que c’était juste une mode qui passerait. Un gimmick journalistique. Un tic de l’époque. Un mot un peu trendy, un mot qui fait style, qui fait genre, un gadget qui épate. « C’est nauséabond« . « Monsieur Michu, vos idées sont nauséabondes« . Ou alors : « Avez-vous entendu les propos de Dugenou hier sur Antenne 2 ? Ce n’est plus de la polémique, là c’est carrément nauséabond ! »
Nous autres réacs, ça nous a bien fait rigoler pendant des années. C’est comme les HLPSDNH, les « Heures Les Plus Sombres De Notre Histoire » ; c’est devenu une expression tellement rabachée, tellement convenue, tellement bateau que les gens qui l’emploient encore se rendent complètement ridicules. C’est un peu comme les VDLR, les « Valeurs De La République » ; ou le PDDDLH, le « Pays Des Droits De L’Homme ». Le monde est constellé de catégories faciles et radotées à l’infini, de clichés, de collocations stéréotypées, notamment grâce l’intense usage qu’en font les journalistes. Ainsi, il y a des codes standardisés pour parler des familles de pensées. Il y a les Humanistes [qui se disent souvent « héritiers de la grande tradition de Montaigne »], les gens Engagés [« la grande tradition républicaine »], les Poil-À-Gratter [citer Molière, Voltaire et Coluche], les Trublions, les Polémistes, les Propos Controversés [c’est à dire condamnés par l’Église du Bien avant même qu’il y ait une rélle controverse], et, presque tout au bout de la longue chaîne qui décline les degrés du Bien au Mal, de la Citoyenneté au Nazisme, luit un obscur fanal nimbé de « relents » qui ne le quittent pas : c’est le monde du Nauséabond. Je me disais que ce mot finirait bien par lasser tout le monde, par s’élimer, par s’user, qu’on finirait par l’oublier, par en trouver un autre tout aussi imbécile mais qui au moins changerait le disque. Mais non. Le nauséabond dure, encore et toujours. Il fait recette, plus que jamais. Incroyable.
Tant de constance dans l’usage de ce mot nous force à nous poser des questions. Jusqu’à présent, le nauséabond était un ornement rhétorique, une pirouette dans un discours, une façon de dire « Je n’en parlerai même pas tellement ça me dégoûte : pouah ». Un petit mot qui, discrètement, permet à votre auditoire de vous placer sur l’éventail politique : vous ne vous laissez pas berner par les sirènes du populisme, vous. Vous avez de la droiture, vous êtes encore capables de vous indigner, vous. Jusqu’à présent, le nauséabond faisait partie des « petites phrases ». Le genre qui passe au zapping de Canal+, quoi. La gloriole des dévôts. L’argumentation politique à portée de l’idiot du village. « Il est scandaleux de constater combien certaines idées nauséabondes ont encore cours, alors que nous sommes au XXIème siècle ! »
Souvenez-vous de la grande foire électorale de 2002, où fusèrent par milliers les redondances du nauséabond. Le geste du nez bouché acquit ses lettres de noblesse. La parade des pinces à linge sur les narines connut un immense succès auprès des gens bien. « J’irai voter en me bouchant le nez ! » a-t-on entendu en boucle. La dérision de la gauche, au cœur de sa propre déroute, ne trouva d’autre réponse que celle de la moue dégoûtée.
Dorénavant, grâce à la dernière campagne de SOS-racisme, le nauséabond jouit d’un vrai statut. Il n’est plus seulement prononcé au hasard des intervious et des offuscations officielles des gens bien, il est maintenant écrit en gros sur des affiches. Il est devenu une cause nationale. L’ennemi public. Un nouvel article du catéchisme républicain, de façon officielle. La chasse au nauséabond est ouverte !
Forcément, s’il existe des idées qui puent et dont il faut se méfier, nous avons le devoir moral de n’honorer que les idées qui sentent bon. Ne vous fiez pas seulement à votre raison : suivez votre nez. Vos conclusions sur tel ou tel aspect de la vie auront beau être rationnelles, objectives, circonstanciées, factuelles, vérifiées, calculées, ce n’est pas cela qui les empêchera d’être nauséabondes ! Et d’ailleurs, il va falloir exercer votre nez : le nauséabond ne possède pas de définition claire. Comme aujourd’hui la liberté d’expression ne peut plus exister que sous la forme du sous-entendu, vous aurez besoin d’entraînement pour déceler le véritable sens du nauséabond. Et, tout bien considéré, le nauséabond ne fait pas vraiment l’objet d’un article du catéchisme républicain : il EST l’article en soi. « L’homme qui recherche le Bien doit se détourner du nauséabond ». Ne cherchez plus avec votre raison : c’est votre cœur, gonflé de citoyenneté, qui doit vous guider. Le monde doit sentir bon, le monde doit sentir propre ; il faut éliminer, récurer, décontaminer, dératiser.
Fichtre, voilà qui est fourbe. Si ça se trouve, sans le savoir, et en toute bonne foi, j’ai des idées nauséabondes ! Voyons voyons ; quelles sont, parmi mes idées, celles qui sentent bon ? Euh… Les statistiques ethniques ? Mais oui ! Pour enfin établir le constat de la discrimination à l’œuvre dans la société ! Là, je pense que je suis dans le vrai, dans le qui-sent-bon ! Ah oui mais non. Comment établir les catégories ethniques d’une telle enquête ? On va compter les Noirs, les Arabes, les Blancs, les Asiatiques ? Et les métis, et les Roms ? Et les juifs ? Les juifs sont-ils une ethnie ? Et à partir de quel degré de métissage serait-on catégorisé dans « Blanc » ou dans « Noir » ? Il faudra mesurer les ascendances ? Et si les statistiques ethniques sont mises en place, rien n’empêchera qu’on se mette à compter la proportion de Noirs, de Blancs, d’Arabes et autres dans les chiffres de la criminalité… Ça commence à devenir très très nauséabond…
Trouvons autre chose. Quelque chose qui sente vraiment bon. Ah je sais : l’immigration enrichit notre pays ! Voilà une idée pleine de doux parfum ! Voyons voyons, et si je soumets cette idée aux chiffres, aux faits, ça nous donne… Euh, non, ça ne va pas du tout ; si j’établis un calcul du coût de l’immigration par rapport à ce qu’elle rapporte, et que je prouve que l’immigration est un fiasco économique et social, mes conclusions seront nauséabondes ! Zut zut zut, qu’est-ce qui me reste ? Je sais : je vais interdire aux religions de s’afficher dans l’espace public, lequel doit rester le lieu de la neutralité absolue en matière de croyances. Hop, je vous interdit une messe en plein air ! Ha ha ! Le monde commence à sentir bon ! Hop, je vous renvoie les cathos dans les cordes avec tous mes petits papiers qui parlent du Sida et de la pédophilie ! De l’air frais ! Hop, je vous interdit la burqa dans tout le pays et les prières dans les rues de la Goutte d’Or ! Triomphe de l’eau de rose ! Gloire de l’eau de Cologne ! Euh… Ne serais-je pas en train de stigmatiser une minorité et d’insulter une religion d’amour et de tolérance, là ? Merde merde merde, mes idées commencent à sentir mauvais ! C’est toute la richesse de la diversité que je dénigre ! Oulàlàlà ! La gaffe ! Ça ne sent pas bon !
Bon, euh… « Black-Blanc-Beur », c’est une idée qui sent bon, ça ! Le vivre-ensemble, ça sent bon ! La République Solidaire, ça sent bon ! Certes, c’est une idée qui sent bon tant qu’il n’y a pas de réglements de comptes entre communautés. Ce qui arrive, euh… très souvent. Mais chut ! Ne laissons pas le réel empuanter nos idéaux ! Car c’est uniquement ceux-là qui comptent vraiment dans le monde de demain !
La Préfecture doit rendre son verdict sous peu : faut-il autoriser ou interdire l’apéro saucisson-pinard à la Goutte d’Or ? L’interdire, c’est avouer qu’il est malvenu d’aller contre la population du quartier, et donc reconnaître qu’elle y fait sa loi. L’autoriser, ce serait donner des gages aux « racistes » qui revendiquent le droit de vivre à la française en France. Dans tous les cas, voilà qui met le Pouvoir face à son propre caca, à savoir son indulgence anticonstitutionnelle envers les barbus qui bloquent les rues pour la prière, et son ultraviolence envers les braves gens qui se posent des questions légitimes sur le délitement civilisationnel de leur propre pays. Je sens qu’on va encore rigoler.
Cette histoire d’apéro saucisson-pinard à la Goutte d’Or est une excellente nouvelle. Je n’ai pas compris si l’évènement était maintenu ou interdit, en tout cas les réactions qu’il suscite sont absolument exquises. Bon, le coup des apéros géants, ça a un côté flashmob festif qui me fait hausser les épaules, mais personne n’est dupe de la manœuvre : il s’agit d’interroger l’Église du Bien sur la pertinence d’une manifestation de franchouillardise à la Goutte d’Or.
La réponse est : non. Tiens donc. À travers toute la France le territoire de la république, il existe des centaines et des milliers d’évènements gastronomiques – et Dieu sait que nous aimons ça – organisés autour de la Fête de l’Andouille, du Beaujolais nouveau, de la moule, de la bière, du cidre, du fromage, bref, de tout ce qui fait la plaisante vie des terroirs. La différence avec l’apéro géant, c’est que celui-ci n’est pas organisé par un comité des fêtes municipal. Apéro géant à Tataouine-les-Bains ? Je pense que ça ne poserait pas de problème. Apéro géant à Bourgville-la-ville ? Pas de Problème. Apéro géant à Kergouézic-les-flots ? Pas de problème non plus. Dans tous ces bleds, on peut boire et manger à la française, à la bonne franquette et à l’improviste sans être inquiété.
Mais à la Goutte d’Or, non. Boire du pinard et manger du sauciflard dans les rues de la Goutte d’Or, c’est… hein ? c’est quoi ? c’est raciste ? Ah bon ? Mais pourquoi serait-ce raciste de le faire à la Goutte d’Or alors que ce n’est pas raciste de le faire à Trifouilly-les-Oies ? Ou dans les jardins du Luxembourg ? Parce que c’est… comment dites-vous ? discriminatoire ? Bigre ! Mais envers qui ? Il existe des endroits où c’est raciste de manger du saucisson en groupe ? Putain mais c’est quoi ce délire ? Ah, peut-être est-ce à cause de la nauséabonde proximité des deux lettres S dans le mot sauciSSon, comme l’a juducieusement relevé Dominique Sopo [dont les deux dernières lettres riment de façon extrêmement douteuse avec GestaPO – J’en profite pour faire remarquer que les initiales de la Sécurité Sociale sont particulièrement nauséabondes dans leur genre, et ne trompent personne sur les véritables objectifs de cette officine des plus louches, ce que corrobore d’ailleurs le logo des aSSédic, ainsi que les initiales de la caisse des Allocations Familiales, qu’on retrouve dans l’acronyme de l’Action Française, comme par hasard]. Donc, à la Goutte d’Or, on ne peut pas pique-niquer ; c’est raciste.
Bon, mais pourquoi est-ce raciste, pourquoi est-ce discriminatoire ? Aaaah, je comprends : parce que le porc et l’alcool ne font pas partie du régime musulman, donc ça les exclue de la fête. Bon, mais alors pourquoi n’interdit-on pas toutes ces Fêtes de l’Andouille et toutes ces dégustations de Beaujolais Nouveau qui ponctuent le cours de nos jours ? C’est tout autant discriminatoire ! Et même pire : ce sont autant de discriminations très officielles, avec discours du maire et budget voté par le conseil municipal ! Alors que nous sommes au XXIème siècle ! Et après tout, TOUS les apéros géants précédents étaient tacitement discriminatoires à l’égard des musulmans, puisque le programme était clairement de picoler ! Et personne n’a relevé que c’était raciste !
Bon, mais c’est quoi le problème ? On ergote, on tourne autour du pot, on s’empêtre dans les sous-entendus. Parce que tout, absolument tout est sous-entendu dans cette affaire. Il est là, le nœud du problème : dans l’indicible, dans l’interdit-de-dire-franchement. Tout est douteux, comme aime à le répéter Caroline Fourest. Le problème de la liberté d’expression à la française, c’est que tout le monde a la trouille de la censure et finit par fermer sa gueule. Le seul recours qu’il nous reste pour pointer nos problème est le sous-entendu. Alors on sous-entend que la Goutte d’Or est un lieu où la franchouillardise ne peut plus avoir cours. On sous-entend qu’un apéro géant, au vernis festif, moderne, dans le vent, sympa, chébran, redonnera au quartier un semblant d’identité parigote traditionnelle. On sous-entend que ça se passera sans heurt, dans un esprit bon enfant, comme le sous-entend l’esprit saucisson-pinard. L’Inquisition sous-entend que le menu pinard-saucisson cache des mobiles un peu trop souchiens. On sous-entend que revendiquer la Goutte d’Or comme territoire d’un possible saucisson-pinard est déplacé, voire provocateur. On sous-entend in fine qu’à la Goutte d’Or on ne fait pas ce qu’on veut dans la rue pour ne pas offusquer sa population. On sous-entend que le multiculturalisme officiel du quartier est le cache-sexe de son islamisation officieuse. On sous-entend que la Goutte d’Or n’est plus un territoire du vivre-ensemble mais du vivre-entre-nous. On sous-entend que les rues de la Goutte d’Or ne sont plus un endroit ordinaire, mais un endroit où réellement les règles qui ont cours sont différentes. On sous-entend que c’est un problème très grave qu’il faut soulever. On sous-entend qu’il vaut mieux parler de la crise, des inégalités, du chômage, des retraites, de la faim dans le monde, de la violence contre les femmes et du réchauffement climatique.
Bonne nouvelle pour ceux qui ont des yeux et des oreilles, le roi est nu.
En 1966, face à la tornade que déclenchent Les Élucubrations d’Antoine [alors accompagné du groupe Les Problèmes, qui deviendront Les Charlots] [1], Jean Yanne et Jacques Martin ripostent avec quatre chansons parodiques : Les Émancipations d’Alphonse, Les Pérégrinations d’Anselme, Les Préoccupations d’Antime, et Les Revendications d’Albert. Tout le monde en prend pour son grade !
Outre cette contre-attaque massive de nos deux regrettés compères, les Élucubrations ont également suscité d’autres pastiches : si Les Hallucinations d’Édouard [alias Jean-Michel Rivat] ont à l’époque été interdites de commercialisation pour plagiat, en revanche une certaine Berthe chanta sans complexe Les Emberthements.
Tout ce petit monde est disponible sur YouTube grâce, entre autres, à votre serviteur. C’est le moment de mettre à jour votre encyclopédie du rock ! On commence bien entendu par le principal intéressé, Antoine, dont le clip crypto-punk est un véritable coup de génie. Chauffe Marcel !
Le MoisiBlog tient à témoigner tout son soutien aux forces vives de notre belle France ! Le monde entier doit être fier de notre plus belle sélection ! Allez les bleus !
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[Je tiens à préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’une opération publicitaire ! Cela dit, si l’une ou l’autre des congrégations fromagères est disposée à me donner des sous pour réaliser cette campagne selon les règles de l’art, je suis preneur !]
Retour sur l’idéal prolétarien : La société révolutionnaire, fondée essentiellement sur l’avènement de l’égalité stricte et réelle, envisage clairement une société sans inégalité, sans classe, donc sans jalousie, sans gourmandise, sans orgueil, sans luxure, sans richesse personnelle, bref, très clairement une société qui convoque un art de vivre de l’ordre céleste. Les lendemains qui chantent, le Nouvel Homme, l’avènement d’un Monde Nouveau, la sortie des ténèbres pour marcher vers le paradis rouge, etc. ; la Révolution convoque le Ciel sur la Terre, comme on couperait l’herbe sous le pied de Dieu en lui confisquant son droit d’Apocalypse.
Or, c’est un fait, la Révolution n’a jamais été fomentée par les paysans ou les ouvriers. Elle n’a jamais été théorisée et mise en place par les masses laborieuses. Celles-ci n’ont été que l’objet de manipulation de la part de minorités extrêmement bien organisées, tant au niveau de ses objectifs que de ses moyens. Par exemple : massivement, les paysans et les petites gens n’ont jamais voulu la mort du Roi entre 1789 et 1793, car il a toujours existé un profond attachement des masses pour l’image du souverain. Le peuple n’a jamais manifesté de grand intérêt pour la dissolution de la souveraineté suprême. Quand on lui confisque un roi, il ne goûte nulle liberté de plus : il se jette tôt ou tard dans les bras d’un tyran. Quand on lui confisque un curé, il n’éprouve que peu de temps la joie d’un nouveau libre-arbitre : il se jette bien vite aux pieds d’une idole ou d’un gourou. À défaut de souverain de chair, ce sont aujourd’hui les Droits de l’Homme qui font office de Souverain intouchable et sacré. Bref.
Le mode de vie révolutionnaire [collectivisme, familistère, kolkhozes, maison du Peuple, coopérative,…] demande un effort colossal aux gens : il faut faire admettre à tout le monde que tout bien doit être mis en commun, que plus rien n’appartient à personne en propre, que la jalousie ou la paresse sont désormais interdites, qu’il faut cohabiter harmonieusement avec toute la communauté sans exception [culte corollaire du pacifisme], qu’il faut œuvrer tous ensemble à des tâches planifiées, qu’il faut liquider le passé, qu’il n’y a plus ni chef ni hiérarchie sinon un objectif politique désincarné [le Parti Unique], etc.
Autant vous dire qu’il s’agit d’une discipline de fer, franchement inspirée du modèle monacal, qui demande un solide sens du sacrifice, du renoncement, et de l’autodiscipline. Et le modèle monacal, je vous prie de croire que ce n’est pas vraiment un modèle social à la portée des masses. C’est une exigence que seule une élite intellectuelle et spirituelle peut accepter, voire savourer, en tout cas embrasser par un choix mûri. L’issue du projet initial tourna donc au vinaigre dès sa mise en œuvre, et se concrétisa par la surveillance, la délation, la déportation, la trouille, l’espionnage, l’intimidation, la désinformation, le trucage, etc. [1]
À cet égard, l’architecture et l’urbanisme révolutionnaires sont passionnants à analyser, de Boullée à Niemeyer en passant par Fourier ou Ledoux. Prenons Le Corbusier, maître du fonctionnalisme pour tous. Une fois théorisée sa nouvelle architecture lisse, blanche et épurée, ce n’est pas directement auprès des masses qu’il la met à l’essai. Les premiers habitants de ses villas sont artistes, collectionneurs, courtiers en assurance, etc., bref, des esprits bourgeois, initiés à un certain art de la nouveauté et de l’expérimentation plastique, des gens dont le background intellectuel peut disposer à vivre dans un intérieur à l’esthétique subtile, aride, et conceptuelle ; soit tout le contraire de la définition du goût populaire.
Gagnant de la célébrité et du crédit auprès des milieux intellectuels, des milieux de gauche, et des milieux intellectuels de gauche, Le Corbusier échafaude des projets à très grande échelle pour les masses. Il conçoit les Unités d’habitation, gigantesques immeubles comprenant logements, rues intérieures, commerces, services, école sur le toit, etc. Plusieurs exemplaires furent bâtis [à Berlin, à Firminy, à Rezé,…], mais celle de Marseille reste la plus célèbre, notamment par le sobriquet qu’on lui donne – la « maison du fada ».
La clientèle visée par ce mode de vie : les petites gens. Le projet entre dans la longue lignée des « palais sociaux » fantasmés par les utopistes progressistes. Au programme : habitat réduit à son fonctionnalisme minimum. Les habitats sont appelés « cellules », et les chambres sont volontairement exiguës et dépouillées. Constance du modèle monacal dans l’idéal révolutionnaire… Les placards sont intégrés, afin d’interdire toute intrusion de l’armoire normande ou de n’importe quelle possession personnelle un peu trop encombrante, qui serait passéiste ou discordante dans le Projet esthétique. Pas d’ornement, mais une stricte observance de l’utilité au cœur d’une nef de béton.
Après quelques décennies d’usage, le succès fut franchement mitigé. Je crois même que la poste et que l’école durent fermer. Les législations immobilières ébranlèrent très vite le système communautaire qui était censé y avoir cours. Pourtant, depuis les années 90, les Unités d’habitation purent être peu à peu sauvées de la déshérence ; elles ont retrouvé un certain engouement grâce aux nouvelles populations qui y vivent désormais : architectes, designers, artistes, collectionneurs, courtiers en assurances, bref, bourgeois initiés à un certaine expertise esthétique, voire à un certain snobisme érudit. La boucle est bouclée.
Le trip collectiviste, c’est un rêve de bourgeois. Il n’emporte pas l’adhésion du peuple. C’est un fantasme projeté sur une image naïve et angélique des petites gens. Un autre projet de Le Corbusier [toits plats, fenêtres en bandeau, espaces ouverts,…] fut dénaturé par ses propres habitants, lesquels s’empressèrent d’ajouter des toits de tuile traditionnels, de boucher les fenêtres en bandeau pour y faire des fenêtres classiques à rideaux, et de recloisonner les espaces ouverts pour les fermer. Goût bourgeois contre goût populaire, n’en déplaise aux dangereux partisans du « travail d’éducation à mener sur les masses ».
Hors de ces quelques expérimentations isolées mais absolument fondamentales pour le devenir des villes, les petites gens se virent offrir deux choix : l’héritage de Le Corbusier fabriqué au kilomètre linéaire [les barres d’habitations HLM], ou la radicalisation de l’individualisme par hectares de copiés-collés [les résidences pavillonnaires]. L’un et l’autre consacrent la mort et de la ville et de la campagne, de la vie normale en société [empilement d’un côté, atomisation de l’autre], et chantent le même triomphe du Laid.
[À suivre]
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[1] Il y a quelques années, des étudiants projetèrent à l’Université de Lyon un petit reportage vidéo sur la crise argentine. On nous montra que certaines initiatives populaires pour s’en sortir méritaient d’être connues. Le but était de nous vendre un altermondialisme optimiste, et franchement très très à gauche. Ainsi, à titre d’exemple, on voyait une demi-douzaine de jeunes gens montant une petite entreprise de coursiers à scooters sur le modèle coopératif, avec égale répartition des richesses, etc. Mais au bout de quelques jours ou de quelques semaines, on voyait très nettement que ceux qui bossaient vraiment n’avaient plus du tout envie de partager leurs richesses avec ceux qui ne branlaient rien de la journée, et les lendemains radieux et collectivistes tournèrent vite à l’engueulade. L’idéal percutant le mur du réel. Merveilleux. Mais personne dans l’assemblée ne releva.
La Révolution est un idéal bourgeois. La Révolution rêve de faire accéder l’humanité entière à la jouissance bourgeoise, n’en déplaise aux Églises pratiquant la rigoriste doctrine prolétarienne. L’Église prolétarienne n’a pas compris l’ampleur de l’authentique Révolution, laquelle s’accomplit pleinement dans le Capital. C’est pour ça qu’elle s’est définitivement crashée contre le mur du réel en 1989.
Le Capital seul réalise l’œuvre révolutionnaire totale et cohérente. Lénine disait « Les excès de la vie sexuelle sont un signe de dégénérescence bourgeoise« . Les petits soldats de Lutte Ouvrière sont soumis à l’ascétisme sentimental et sexuel. Engoncé dans son cléricalisme prolétarien, Lénine se plantait, et plantait tous ses disciples derrière lui. Car la Révolution, c’est l’Abolition, la vraie, jusqu’au bout. Comment peut-on mettre en œuvre la véritable révolution sans mettre à bas TOUS les folklores et TOUS les archaïsmes ?
Les révolutionnaires rêvaient d’abolir la famille et ses carcans, mais les pays socialistes n’ont généré qu’une société ultra-coincée, pire que le plus pudibond des clans Amish. Impossible de raconter une blague de cul à Cuba ou en Corée du Nord. Les pays capitalistes, eux, ont réalisé l’abolition réelle : triomphe de l’union libre, du célibat, de l’adulescence, des gender studies, du PACS, de la ringardisation de l’institution du mariage, des revendications LGBT, de l’infidélité cool, de la pornographie à tous les coins de rue, de l’avortement de masse, etc.
Les Socialistes [URSS, Mao, khmers rouges, etc.] n’ont aboli que le Beau et la Liberté. C’est déjà colossal, surtout en millions de mort, mais c’est du pipi de chat à côté de la force révolutionnaire du Capital, de sa puissance de feu abolitionniste. Musicalement, artistiquement, intellectuellement, la Révolution Socialiste est un désatre complet, n’ayant mené qu’au néo-pompiérisme [architecture stalinienne lourdingue, cinéma ultracodifié, arts graphiques sclérosés dans l’académisme néoréaliste, inexistence de l’émulation intellectuelle, etc.] et à l’éviction de tout décadentisme, là où la Révolution Capitaliste a opéré des mutations complètement colossales : architectures définitivement coupées de toute possibilité de Tradition, sacre des idoles du rock’n’roll et de la musique électronique, art contemporain en expansion dans toutes les directions possibles [y compris le Laid, l’Insignifiant et la Psychiatrie, qui sont aux antipodes de toute définition de l’art selon la tradition des millénaires qui nous ont précédé], écoles de pensée en bouillonnement continu, etc., et consécration du décadentisme comme incarnation du Progrès.
La révolution capitaliste, elle, a su réellement en finir avec la gastronomie, l’élégance, le savoir-vivre, l’architecture à façades, le théâtre à rideaux et coulisses, bref, avec tout ce qui présentait des intermédiaires jugés factices ou hypocrites entre la Société et la Vérité. Y compris le simple fait de manger avec des couverts. L’architecture de béton est concentrationnaire, on la trouve dans toutes les [ex-] Républiques Socialistes, de Cuba à Pyongyang en passant par l’immensité de l’URSS. Mais l’architecture de verre et son corollaire, l’open space, sont totalitaires par leur mise en scène de la tyrannie de la transparence ; elle est un modèle très largement répandu à travers tout le monde capitaliste, de New York à Berlin en passant par Tokyo. Dans un régime socialiste, on surveille votre assiduité à la participation sociale [confinement] ; dans un régime capitaliste, on surveille votre assiduité à l’activité du pognon [open space, diktat de l’esprit winner].
La Révolution Socialiste révait initialement d’abolir jusqu’à l’État lui-même. En fait d’abolition de l’État, le socialisme n’a aboli que la légitimité traditionnelle des rois et des princes pour placer des Leaders, des Chefs Suprêmes, des Grands Timoniers, des Guides, tous plus cinglés, plus arbitraires, plus paranoïaques et plus autocratiques les uns que les autres. La Révolution Capitaliste, elle aussi a complètement dissout les légitimités du Monde d’Avant, mais a dissout jusqu’à l’essence même du politique en assujettissant toute forme de pouvoir aux seuls intérêts du Marché. Les présidents des démocraties d’aujourd’hui sont très largement dominés par des impératifs économiques avant toute autre priorité de service envers leur peuple. Et les peuples eux-mêmes, gens de gauche en tête, ont fini par acquérir la certitude que tant que les injustices économiques entre les individus sont régulées, tout le reste n’est que préoccupation vilement secondaire, voire populiste [immigration, désenchantement, ennui, profanation de tous les domaines de la vie, destruction des patries et des terroirs, aliénation, abêtissement, insécurité, presse univoque, incapacité à créer du Beau, etc].
La Révolution Socialiste rêvait d’un art de masse ? C’est Hollywood qui l’a réalisé – et non pas Julie Lescaut et Plus belle la vie. La Révolution Socialiste rêvait d’un monde sans frontière ? C’est Nike, Bouygues, Microsoft et Vivendi qui l’ont réalisé. Multinationales, internet, etc. La Révolution Socialiste rêvait de l’Internationale comme genre humain ? Eh quoi, n’avons-nous pas tous des Nike et des blue jeans dans nos armoires, jusqu’aux confins de la terre ? Ne sommes-nous pas tous soumis à l’omniprésence de Coca-Cola ? La Révolution Socialiste voulait le bonheur pour tous ? Il est produit par Disney. La Révolution Socialiste rêvait d’une société sans classe ? L’existence des Nomenklaturas a prouvé l’échec de la mission. En revanche, c’est mission accomplie par la Révolution Capitaliste : la société n’a plus de classes ; globalement et massivement déculturée par le triomphe de l’utilitaire et du divertissement, elle ne se hiérachise plus que par la teneur des comptes en banque des uns et des autres.
Réponse A : Vous vous rendez sur les lieux d’un super festival. Il y a des collectifs, des associations, des DJ’s, des projections vidéos, des installations, des concerts, des expos, des conférences, des débats, des ateliers participatifs, des cours d’initiation au jonglage et au tri des déchets, un stand d’information sur l’engagement militant, des fanzines, une troupe de clowns-musicens itinérants qui font des improvisations au hasard de leurs promenades parmi la foule, il y a aussi de quoi manger [végétarien] et des toilettes [sèches], il y a des boutiques solidaires, des produits durables et équitables, une équipe de prévention citoyenne contre le racisme et le Sida, et un comité de soutien aux populations opprimées. Vous ne savez plus où donner de la tête, c’est terriblement alternatif ! Le nouveau monde est en marche !
Vous recontrez des backpackers australiens, des Erasmus allemands, italiens, danois et espagnols, des maoïstes sexagénaires avec des T-shirts du groupe Trust, vous partagez quelques joints avec un militant du NPA pro-palestinien – un étudiant en sociologie –, vous arrivez même à pécho le numéro d’une nana qui fait à la fois de l’art plastique et de l’humanitaire et qui a l’air terriblement géniale. Vous quittez la fête avec un authentique djembé tout neuf sous le bras, acheté au profit d’une association de défense des LGBT persécutés. Vous prolongez cette journée festive en rejoignant dès le lendemain un Cercle du Silence organisé par un des collectifs présents au Village des Associations. Le week-end idéal !
Vivement la semaine prochaine, vous avez déjà vos places pour un festival reggae-dub, auquel vous comptez bien entendu emmener la jeune plasticienne engagée !
Réponse B : Vous commencez par aller à Emmaüs pour vous débarrasser de vos vieilleries, vous en revenez avec un lot de disques improbables et une très jolie cravate vintage à un euro. Vous vous rendez au musée des Beaux-Arts et flânez chez les antiquaires sur le chemin du retour. On y trouve du Prouvé et du Eames, des Jacques Hittier et des Fritz Hansen de toute beauté ainsi que des vieilles Fermob, mais ça atteint des prix délirants depuis que l’esprit loft s’est démocratisé. Ce sera pour plus tard, quand vous aurez des économies – ou quand l’effet de mode s’essoufflera. Inspiré par la peinture italienne et les volutes dorées du Musée, vous mettez Bencini à fond dans la baraque en sirotant un Byrrh et en feuilletant quelques ouvrages sur la peinture baroque, le graphisme new-yorkais et Salvador Dali. Vous attaquez une jolie playlist où le fiévreux Été de Vivaldi ouvre grand la porte du rock and roll. Se succèdent alors High voltage, I’m your daddy [extrait de Raditude], The bad touch pour la déconne, LaTeRaLus, Take the power back, Move it on Over [Hank Williams of course] et finissez par le désopilant mambo Allô Brigitte signé Jean Yanne et Henri Salvador.
Plus tard, après avoir lu quelques pages d’Ernest le rebelle, vous retrouvez un pote et filez au concert des Real McKenzies – kilts, cornemuses et punk-rock sudoripare – qui a lieu dans un no man’s land de banlieue post-industrielle reconverti en hangar-bistrot aménagé pour y faire des répètes et des concerts. En attendant que le concert commence, vous félicitez le taulier qui vous explique qu’il met un point d’honneur à vivre sans la perfusion de l’État, ce qui n’est pas courant. Le lendemain matin, vous reprenez une solide dose de belles choses à la messe de 10h30. Le week-end idéal !
Vivement la semaine prochaine, vous irez picoler au Chéri-Bibi ou au Citron pour écouter de la british beat en fustigeant la social-démocratie entre gens de bonne compagnie !
« À mon avis, la société dans son ensemble est en train d’accepter progressivement que dans le doute et en cas de nécessité, un engagement militaire peut être nécessaire pour protéger nos intérêts, par exemple la liberté des voies commerciales, par exemple en empêchant l’instabilité dans des régions entières qui aurait des effets négatifs sur nos échanges, nos emplois et nos revenus. » Horst Köhler, alors qu’il était encore président de la République Fédérale Allemande, le 22 mai 2010.
Quelques heures plus tard il démissionnait, ses propos ayant été jugés de la plus haute hérésie par l’Inquisition Droitdelhommiste pacifiste. Du délire total. Les bras m’en tombent.
Par une étonnante convergence de l’actualité mondiale, au même instant Israël disait ce qu’il pensait des « flotilles humanitaires » pacifistes. J’ai l’habitude de considérer le conflit israëlo-palestinien avec la plus grande indifférence, mais pour le coup je pense la même chose qu’Anthony Naar : « Oublions les arguments rationnels – on s’en fout. Car que voit-on ? Israël est un État qui, quand il se sent menacé par des « pacifistes », n’hésite pas à les envoyer se faire foutre. Israël est un État qui ose se battre, même s’il sait que ça va déplaire à l’intelligentsia bobo internationale. Israël ose encore répondre à ses ennemis à coups de feu, de bottes et de matraques (car gageons que la descente à Ashdod, encadrée par les CRS locaux, n’a pas dû respecter les préceptes d’Amnesty International).
Bref, Israël est encore vivant. Et fondamentalement, c’est ça qui choque. Israël est un pays occidental qui vit, se bat, est toujours dans l’histoire, et ça, les bisounours ne peuvent le supporter. » L’article complet ici >>>, illustré avec pertinence par la PDMP.
J’ai horreur des pros. Vous savez, les « professionnels ». Les « pros ». Les mecs qui gèrent grave. « Faites appel à un pro« . Ah, l’exécrable engeance que sont les pros, avec leurs blousons sans manche et leur déodorant vu-à-la-télé. Les pros s’y connaissent. C’est leur métier. Laissez-les faire, ils ont la technique. Ils ont un crayon qui dépasse de leur poche de devant, prêts à vous faire un devis sur une feuille jaune, sur laquelle trône l’infâme logo de leur SARL, parfois souligné de la minable devise de la boîte. Les pros sont compétents, ils savent comment exécuter la tâche qu’on leur demande. Ils sont « à votre service » et ils ont un « savoir-faire« . Souvent, ils forment « une équipe« . Ils connaissent les fabricants, les fournisseurs, les distributeurs, les revendeurs, les concurrents, les représentants, les commerciaux, les sous-produits, les contre-façons, les gammes disponibles, les clients satisfaits et les clients mécontents, les collègues, les confrères, les gars de l’administration publique qui veillent sur leur profession, et tout cela forme le joyeux fatras de leur répertoire téléphonique. Les pros parlent fort. Ils connaissent leur milieu. « Untel travaille très bien, Untel fait du boulot de sagouin ; mais Untel est vraiment le meilleur, c’est une boîte à l’ancienne, avec le grand-père – un italien – [ou un polonais] qui gère encore la compta. Moi j’étais en classe avec la fille, qui a épousé un D. et qui a quitté la région pour aller dans les DOM-TOM. »
Les pros font des schémas, des croquis, des gestes avec les mains, ils font mine de vous expliquer mais constellent leurs discours de mots techniques et d’acronymes pour noyer le poisson et vous épater. Ce n’est pas abscons, c’est technique. Vous n’avez pas compris ? C’est parce que vous n’êtes pas un pro. Ne prenez pas le risque de mieux savoir qu’eux. Laissez faire les pros. J’ai horreur des pros parce qu’ils sont l’image de l’aliénation par le travail. Autant je crois que le travail est le véhicule d’une émancipation authentique, autant je crois que le professionnalisme en est la redoutable perversion. Gustave Eiffel était-il à la tête d’une équipe de pros à votre service lorsqu’il assembla la charpente de la Statue de la Liberté ? Le maçon qui a bâti en 1815 ce qui est devenu votre résidence secondaire était-il un professionnel des espaces à vivre au cœur de votre région ? Le banquier qui jadis prêta de l’argent à vos grands-parents en 1921 les assura-t-il qu’il était le partenaire de tous leurs projets dans un monde qui bouge ? Et le peintre qui travailla sous Napoléon III à la fresque de la Chambre de Commerce a-t-il passé des heures à étudier des devis de fournisseurs aux normes européennes et à sélectionner des gammes mates, brillantes, satinées, texturées, grainées, pour donner un éclat durable à vos intérieurs ? Et tous ces braves gens se promenaient-ils avec des logos géants sur leurs habits professionnels ?
Les pros ne sont plus que des marchands. Ils ne sont pas là pour réparer votre chaudière, tondre votre pelouse, préparer un banquet pour vos convives ou faire vos photocopies : non, ils sont là pour vous vendre des solutions ou pour vous vendre des produits. « Bonjour monsieur le banquier, je voudrais de l’argent. » Il va vous répondre qu’il peut vous proposer une gamme de produits financiers adaptés à vos besoins. N’importe quoi. « Bonjour monsieur de l’EDF, je compte refaire toute l’installation électrique de ma baraque pourrie ». Vous aurez droit à une litanie de Solutions Bleu Ciel ou de Solutions Solidaires à des tarifs détaillés sur un tableau ésotérique mis en page par un graphiste manchot. Mais putain, personne n’achète des produits pâtissiers sélectionnés dans la gamme Évasion Chocolatée contre un peu de produits financiers dans un espace de vente où toute notreéquipe est à votre service. Non. On va juste à la boulangerie acheter des pains au chocolat à 90 centimes. Bordel.
Je ne me fais pas d’illusion ; les corporations d’autrefois pratiquaient volontairement le jargon et le secret professionnel pour défendre un métier de qualité – l’art – contre les usurpateurs et les incompétents, cela a toujours existé. Mais les pros adorent [outre s’aliéner aux produits manufacturés supervisés par des instituts de qualification et qu’il ne reste plus qu’à poser sans se gourrer] s’emmurer dans des constructions philologiques délirantes qui tentent de leur assurer une existence au sein du monde conceptuel. Car l’une des plus ravageuses maladies du siècle, c’est le conceptuel. Tirer des fils électriques entre une ampoule de salle de bain et un compteur, ce n’est guère conceptuel. En revanche, devenir l’installateur agréé de toutes vos solutions énergétiques, ça vous en fout plein la vue et ça vous passe l’envie de discuter avec l’équipe compétente aux normes ISO 9001. Sauf si vous aussi, justement, vous étiez en classe avec la fille en question qui a épousé D. et qui est partie dans les DOM-TOM. Auquel cas, vous découvrirez soudain que, derrière les fortifications du bullshit professionnel, se cache encore parfois des vraies gens avec qui on peut boire l’apéro en rigolant, contre quelques arrangements administratifs ou fiscaux.