Extrait du journal 20 minutes du 2 novembre 2010.

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De nombreuses femmes revendiquent une vie sans enfant, mais le sujet reste tabou.
QUAND FÉMINITÉ NE RIME PAS AVEC MATERNITÉ

Pour elles, l’horloge biologique est loin d’être une source de stress. Car ces femmes ont tout bonnement choisi de ne pas devenir mères. Un phénomène bien répandu aux Etats-Unis, où il est même devenu un sujet de militantisme, au sein du mouvement Childfree. Mais plus discret en France : « car même si de plus en plus de femmes choisissent de ne pas avoir d’enfant, le sujet reste encore tabou », constate Isabelle Tilmant, auteur d’un ouvrage sur le sujet.

Les nullipares (terme médical désignant une femme qui n’a jamais accouché) commencent seulement à sortir du bois. « Sur des blogs ou sur des forums Internet, leurs paroles se libèrent peu à peu », constate la psychothérapeute. En mai dernier, la première fête des non-parents a même eu lieu à Paris. Un événement qui démontre le besoin naissant de ces femmes d’affirmer leur différence. « D’autant que leurs choix résultent de facteurs multiples », explique Isabelle Tilmant. « Certaines d’entre elles s’identifient davantage à des modèles de femmes indépendantes qu’à des figures de la maternité. Réussir leur vie affective et professionnelle est alors primordial et l’enfant n’est pas considéré comme un lieu potentiel d’épanouissement personnel », note la psychothérapeute.

Autre raison souvent invoquée par ces nullipares : elles ne veulent pas mettre au monde un enfant dans un monde imparfait. « L’insécurité, la violence, les difficultés économiques, les ressources naturelles qui s’épuisent… Elles projettent sur leur enfant imaginaire la difficulté de vivre », souligne Isabelle Tilmant.

Reste ensuite pour elles à assumer le regard de la société, car ces femmes sont toujours sommées d’expliquer leur choix et doivent affronter les réflexions de leurs proches. « Elles sont souvent jugées comme dures et égoïstes alors qu’en réalité, elles ont souvent une grande conscience de la responsabilité parentale », souligne Isabelle Tilmant. Un regard de la société qui pourrait néanmoins évoluer dans les prochaines années, selon la psychothérapeute : « Le fait que ces femmes s’expriment de plus en plus dans les médias et sur Internet permettra qu’elles soient mieux acceptées. Il faut aussi montrer que leur choix de vie leur a permis de réaliser d’autres choses. Angela Merkel est de ce point de vue un excellent exemple. »

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« Je ne trouve pas normal qu’on considère la maternité comme une évidence », s’exclame tout de go Nathalie, 32 ans, coach sportif. « Elevée par une mère au foyer très attentionnée, je n’ai jamais eu envie de suivre sa voie. J’ai toujours été très indépendante : je suis partie de chez moi à 18 ans pour vivre à l’étranger. J’ai su très tôt que je n’avais pas envie de devenir mère. Et ce, pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, je pense que c’est une erreur de faire reposer son bonheur sur un enfant. Pour m’épanouir, je n’ai pas besoin d’enfant, mais de me réaliser personnellement. Ma priorité dans la vie est notamment de réussir professionnellement et de voyager. Quant à ceux qui me disent que mon choix est égoïste, je leur réponds que faire naître un enfant dans le monde actuel l’est tout autant. C’est une responsabilité énorme dont les parents n’ont pas toujours conscience.

Je ne considère pas non plus la grossesse comme un état « naturel ». L’idée d’avoir un être vivant dans mon ventre m’écoeure et la souffrance physique qui découle de l’accouchement me fait peur. Par bonheur, mon conjoint partage le même avis que moi. Il voyage beaucoup et un enfant serait un frein à son style de vie actuel.

Mais mon non-désir de maternité m’a posé problème dans une relation précédente. Quant à ma mère, elle aurait bien aimé devenir grand-mère, mais elle s’est fait une raison et respecte ma décision. Mes amies ont aussi bien compris mon choix. Pour autant, elles savent que j’apprécie leurs enfants. Je m’occupe d’ailleurs souvent du fils d’une de mes meilleures amies. Mais pas question de minauder, lorsque je vois un bébé ! Et si j’assume très bien mon choix, j’ai bien conscience que les choses peuvent évoluer. Peut-être un jour, aurai-je envie de devenir mère ? Si c’est le cas, je me tournerai vers l’adoption, car il y a tellement d’enfants malheureux sur cette terre qu’il est inutile d’en mettre un de plus au monde. »

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Quelques réflexions en vrac :

1.
« Un phénomène bien répandu aux Etats-Unis, où il est même devenu un sujet de militantisme, au sein du mouvement Childfree »
J’ai toujours eu horreur des gens qui se cachent derrière des « mouvements » pour fuir les questions que la société est légitimement en droit de leur poser, et surtout pour échapper à leur propre responsabilité en la drapant dans le droitdelhommisme du choix personnel . Par exemple, les obèses qui préfèrent dire « c’est mon choix d’être obèse » plutôt que de prendre en main leur alimentation désordonnée. C’est ainsi  que le Fat Acceptance Movement lutte, non pas contre l’obésité, mais contre les discriminations dont les personnes obèses s’estiment l’objet, et contre toute forme de pression à leur encontre dont ils se disent les victimes, ces « pressions » comprenant même les conseils en matière de santé qui les visent et par lesquels ils s’estiment attaqués dans leur mode de vie.

Dans un autre registre, les femmes qui se revendiquent plus ou moins du mouvement Chidlfree participent de cette même logique : décorer en « choix personnel » inviolable et souverain un mode de vie qui trahit les principes les plus élémentaires, les plus biologiques, les plus physiologiques – les darwiniens diraient les plus reptiliens – de la vie qui gît en nous et qui ne demande qu’à se transmettre ; « choix personnel » qui interroge légitimement la société dans ce qu’elle a de plus conventionnel et de plus essentiel, à savoir que depuis que la sexuation existe, les mâles sont appelés à la paternité et les femelles à la maternité. On n’empêchera pas les gens de s’étonner qu’unetelle ou unetelle fasse le choix de la stérilité volontaire, ce choix ayant été jusqu’ici l’exclusivité des femmes consacrées à la vie strictement spirituelle [vierges consacrées, moniales,…]. Et, globalement, la stérilité a toujours été vécue comme une douleur, une injustice, voire une disgrâce, quand ce n’était pas carrément un crime contre l’humanité quand on vous l’infligeait.
C’est donc légitimement que ce genre de mode de vie suscite des interrogations.

2.
« L’enfant n’est pas considéré comme un lieu potentiel d’épanouissement personnel. »
En effet : un enfant n’est pas à proprement parler un « lieu potentiel d’épanouissement personnel ». Se lever en pleine nuit pour donner le sein ; courir les administrations pour trouver une place en crèche ; se trouver une adresse bidon pour pouvoir s’inscrire dans une bonne école à l’autre bout du département ; courir les écoles de musique et les clubs de poneys tous les mercredis et tous les samedis ;  faire les courses pour quatre, cinq ou six estomacs ; se faire un sang d’encre pour décrocher une place dans une université onéreuse ; tout cela n’est pas vraiment un « épanouissement personnel ». Vu comme ça, c’est plutôt un programme qui annonce des inquiétudes et de la fatigue pour rien, et en plus ça vous prive à coup sûr de vacances d’enfer aux Maldives et de randonnées trop sympas dans les montagnes de l’île de la Réunion.

 Évidemment, si c’est  l’ « épanouissement personnel » que l’on cherche avant tout, il ne reste plus beaucoup de temps à consacrer à l’épanouissement de quelqu’un d’autre que soi. Dans Citadelle, Saint-Exupéry disait quelque chose de ce genre-là : les fleurs se font belles, non pour elles-mêmes, mais pour s’abandonner dans quelque chose de plus grand qu’elles : le fruit qu’elles deviendront.

3. 
« En mai dernier, la première fête des non-parents a même eu lieu à Paris. »
Quand la non-fertilité est une fête… Au secours. Bientôt la fête des non-nés, des non-morts, des non-vivants, et nous fêterons nos non-anniversaires comme dans le monde délirant d’Alice. Bienvenue dans la psychiatrie lourde, festive comme une danse macabre puisque c’est ni plus ni moins la Mort qui est convoquée dans cette joie-là.

4.
« Elles ne veulent pas mettre au monde un enfant dans un monde imparfait. »
Manque de bol, le monde n’a jamais été parfait. S’il faut espérer le paradis sur terre, autant devenir Témoin de Jéhovah ou communiste. C’est donc encore un point de gagné pour la société traditionnelle : plus on entre dans l’idéologie moderne [écologisme, socialisme, capitalisme], plus la haine de la Vie s’étend. L’écologisme estime que la Terre se porterait bien mieux sans hommes [et sans femmes ! – LOL –] ; le socialisme et le capitalisme croient de concert que la vie d’un homme n’a de dignité que s’il est entouré des biens matériels par lesquels il trouve une place dans la société [sécurité sociale, société de consommation ; même combat]. Vivement l’avortement post-natal et l’euthanasie pré-mortem, pour nous délivrer d’un monde vraiment trop insupportable par son imperfection.
C’est un véritable crime à la fois contre l’Espérance et contre la Charité qui se joue ici.

5.
« Je ne considère pas non plus la grossesse comme un état « naturel » ».
Comment peut-on à ce point penser contre son propre corps et sa propre chair ? Comment ne pas y lire une véritable haine de l’incarnation ? Comment ne pas penser immédiatement au désir tyrannique, prométhéen et totalitaire de l’utérus artificiel qui nous attend dans l’avenir, et des mères porteuses qui se pose dans l’immédiat ?

6.
« Peut-être un jour, aurai-je envie de devenir mère ? Si c’est le cas, je me tournerai vers l’adoption, car il y a tellement d’enfants malheureux sur cette terre qu’il est inutile d’en mettre un de plus au monde. »
Désolé ma grande, mais entre l’adoption et l’action humanitaire, il y a un gouffre gigantesque. Et ni l’un ni l’autre ne sont une garantie de bonheur plus grande – ou moindre – que celle d’avoir un enfant biologique. Quant à la justification de la vie ou de la mort selon l’échelle de bonheur que l’on peut garantir à l’individu, on ne connait que trop les terrifiantes portes que cela ouvre. Si le pauvre monde attire ta pitié au point de vouloir y sacrifier ta propre fertilité, assume d’être une ecclésiastique parmi le clergé humanitaire.

Le suicide collectif continue.

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