Les gars de la presse n’ont vraiment honte de rien. Au moment où Benoît XVI répète en Afrique qu’on ne rigole pas avec la vertu, fâchant les progressistes, voilà qu’on entend les journalistes regretter le temps de Jean-Paul II, de sa douceur, de sa modernité, de sa plus grande ouverture d’esprit…

J’hallucine. Je n’ai tout de même pas rêvé cette époque encore très récente où l’on entendait le charroi incessant des tombereaux d’insultes à l’adresse du Vatican sous le règne de Jean-Paul II… Souvenez-vous de ces centaines de caricatures le figurant sous les traits d’un vieillard sénile fustigeant vertement l’usage du préservatif. Rassurez-moi, ai-je été victime d’un trouble de la perception ? Suis-je le seul à ne pas me souvenir que du Monde à Canal+ en passant par Radio France, tout le monde chantait la louange du bon Jean-Paul ? Aurais-je fantasmé la horde des hyènes qui guettaient chaque signe de son agonie pour fondre sur son cadavre pendant des années de traque malsaine ? Suis-je le seul à avoir eu la nausée quand j’ai entendu ces mêmes hyènes embusquées derrière leurs téléscopes à infrarouge et leurs microphones à longue portée nous annoncer la « grande dignité » qui accompagna sa mort derrière les volets de la place Saint-Pierre ? Bande de connards, vous gardez autant d’ardeur à vomir sur l’un que sur l’autre ; ne venez pas nous pipeauter le coup de la nostalgie du bon vieux temps.

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Il est d’usage de dire que la contraception est la solution au problème de l’avortement ; il est d’usage de dire que le préservatif est la solution au problème des épidémies de MST. Ce sont des raisonnement biaisés. Les faits ne mentent pas, et la causalité est directe : l’encouragement à la contraception encourage en toute logique un certain dérèglement des mœurs [on entend le public huer et siffler], faisant culminer le nombre de grossesses interrompues vers des chiffres astronomiques évoquant franchement une forme d’abattage humain de masse. Selon cette même logique, l’encouragement à l’usage du préservatif encourage naturellement un sentiment d’immunité ou d’inocuité de son comportement sexuel, faisant grossir le nombre des malades contaminés…

L’Église est très claire : répondre au Sida par le préservatif, c’est clairement abandonner la quête de la sainteté, et reconnaître victorieux l’ennemi de l’Amour véritable, lequel s’incarne dans l’idéal familial [monogamie, fidélité, fécondité,…]. L’Église ne répond pas au Mal en ripostant avec les armes du Mal, elle répond en envoyant les escouades du services de déminage : miséricorde, humilité, fidélité, moralité,…

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Ce raisonnement de la surenchère des moyens est un fléau moderne qui ne touche pas seulement les questions morales ou ecclésiales. On peut en trouver des équivalents un peu partout dans la crise civilisationnelle que nous traversons.

Ainsi, contre l’échec scolaire et la baisse du niveau, les modernes appellent de leurs vœux toujours plus de moyens. Or quiconque réfléchit un peu comprend que la crise scolaire ne concerne pas les outils du savoir et leur financement, mais une profonde dévalorisation de l’autorité qui sépare le Maître de l’Élève, le Savoir de l’Ignorance.

Ainsi, contre le danger des comportements juvéniles toujours plus radicaux, les modernes ne jurent que par la Prévention, la Cellule Psychologique, les Campagnes d’Information, les publicités pour les Bonnes Pratiques, ce genre de conneries. Cette riposte massive produit des effets doublement pervers : premièrement ils n’atténuent en rien la volonté des jeunes de transgresser une loi toujours plus abrupte ; et deuxièmement, l’image de l’autorité en tant que figure paternelle mute en une gigantesque abstraction maternelle totalitaire.

L’art de la Riposte Moderne se constate à l’infini dans notre quotidien. La solution à la pauvreté, c’est encore plus d’impôts. La solution aux dangers de la route, c’est encore plus de gilets jaunes. La solution à la tristesse des gens, c’est encore plus de consommation. La solution au problèmes de l’immigration, c’est encore plus de régularisation. La solution au trou de la Sécu, c’est encore plus de Sécu. La solution aux usines qui ferment, c’est encore plus de fiscalité. La solution au chômage, c’est encore plus d’aide aux chômeurs.

Tant qu’on n’aura pas compris l’art du déminage, on n’avancera pas. Et même, on s’engluera davantage dans notre propre mélasse. Mais pour être un bon démineur, encore faut-il oser nommer une mine une mine. Et c’est pas gagné quand on sait que, pour certains, la famille est un problème, la fidélité est un problème, la vertu elle-même est un problème.