mercredi 13 janvier 2010


Atterrissage à JFK. Dans le glacial couloir qui nous conduit de l’habitacle de l’avion aux files d’attente de la douane, des affiches souhaitent la bienvenue à mesure que l’on marche. Chargés de nos sacs et de nos manteaux mal ajustés, on se presse. Les écharpes sont en travers, les cols sont mal boutonnés, les cheveux sont ébouriffés, les yeux sont vaguement hagards, les familles s’attendent et se pressent, on regarde derrière soi comme pour se convaincre qu’on n’a rien oublié à bord. On n’a rien oublié ? On n’a rien oublié. On pense à son passeport ; est-il à portée de main ? Où ai-je fourré mon téléphone ? Mes gants ? Ils sont là. La précipitation sature l’attention. À la fois engourdis et vivifiés par le désir de quitter cette passerelle en suspension dans le vide – plus vraiment dans les airs, mais pas encore sur la terre ferme –, il faut faire un effort pour daigner décrypter ces affiches qui nous sourient avec fierté et esthétisme tous les trois mètres. Des portraits colorés nous accueillent.

Celles de gauche nous disent : ACCOMPLISHMENT.

Celles de droite nous disent : SECURITY.

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On débouche soudain dans un hall d’attente hors du temps. On déchiffre des pictogrammes, on suit la masse qui avance, il y a des écrans et du personnel, des cordons entre des poteaux. On repère les guichets, on s’engage dans une file d’attente, on souffle enfin.

Le voyage s’est évanoui. Se souvient-on seulement du film qu’on a visionné il y a deux heures ? Se souvient-on encore de la composition du plateau-repas qu’on a avalé ? Se souvient-on encore des magazines de world-culture remplis de couleurs-du-monde qu’on a feuilletés pour nous divertir de l’angoisse du vol ? Ce n’est pas sûr. En revanche, « Accomplishment and Security« , ça fait gamberger à mort.

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Très en colère, le président du Venezuela, Hugo Chávez, a récemment fait parvenir un communiqué à Edwy Plenel, ancien directeur du journal Le Monde et fondateur de MediaPart, pour régler un différend diplomatique quelque peu encombrant. « Nous n’avons de leçon d’antiracisme à recevoir de personne. Les propos d’Edwy Plenel sont profondément offensants pour les minorités vivant dans notre pays, et c’est l’ensemble du peuple vénézuélien qui se voit insulté de façon gratuite et tout à fait indigne de la part d’un pays qui se réclame sans cesse des Droits de l’Homme. »

Alors qu’il était encore directeur du Monde, Edwy Plenel avait en effet déclaré : « Quand j’entends Vénézuélien de souche, j’entends raciste de souche« , phrase qui était passée relativement inaperçue en France [source >>>], mais qui semble retentir encore outre-Atlantique. Hugo Chávez, descendant indirect des peuples ancestraux qui forment la plus ancienne souche de population indigène du Venezuela, estime que « cette grave accusation de racisme ne [l’]attaque pas seulement à titre personnel, mais attaque l’ensemble des peuples opprimés ou colonisés qui luttent pour leur souveraineté légitime sur la terre de leurs aïeux, qui luttent pour une coexistence pacifique des nations, et qui luttent pour une civilisation de progrès et de fraternité malgré les épisodes douloureux de nos Histoires communes. Au nom de tous les peuples vénézuéliens, au nom de l’amitié franco-vénézuélienne, je demande à Edwy Plenel de présenter immédiatement des excuses publiques pour cet affront. »

Jointe hier par téléphone, la rédaction de MediaPart n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

Récemment accusés d’islamophobie et de « comportement moyenâgeux » par l’Unesco pour avoir massivement refusé l’érection de minarets sur leur territoire [source >>>], les indiens Yanomamis se voient à présent accusés de racisme atavique par la gauche journalistique française, au simple titre de « population de souche ».